mardi 28 octobre 2008

Squat avec vue... sur la sous-préfecture

La vieille et grande demeure a sans nul doute été majestueuse. Construite face au fleuve Maroni, coincée entre la place des fêtes et la résidence du sous-préfet de Saint-Laurent, elle n'est plus désormais qu'une ruine. A l'époque du bagne, c'est entre ses murs qu'était logé le receveur des douanes. Aujourd'hui, la bâtisse délabrée abrite des résidents clandestins. Trois femmes et cinq enfants, dont deux nourrissons. Tous originaires du Guyana, dépourvus de permis de séjour et vivant dans la plus criante promiscuité. Ils ont investi les lieux voilà plus de huit mois.
Pénétrer dans l'enceinte de la résidence n'a rien de compliqué. Les grilles, profondément rongées par la rouille, sont grandes ouvertes. Et quand bien même quelqu'un aurait eu l'idée saugrenue de les refermer, les pans de murs écroulés sont si nombreux que la clôture s'avère quasi inexistante. En revanche, il est plus difficile de se frayer un chemin jusqu'à la maison à travers un jardin en friche recouvert de détritus en tout genre. Les grilles fixes ont été arrachées, et la plupart des portes enfoncées. Au rez-de-chaussée, assise sur une chaise, Déborah tient son bébé dans ses bras. Elle sermonne avec fermeté deux fillettes de sept ans qui chahutent. A ses côtés, une autre femme nettoie son linge dans une bassine posée sur le sol. "On est là depuis février, je crois, explique Déborah, 42 ans. Mais on est arrivé dans ce pays en 2006." Elle a débarqué du Guyana en compagnie de ses quatre enfants et du père de sa dernière fille. Mais l'homme n'est plus là. "C'est lui qui a voulu venir, mais dès qu'on est arrivé, il s'est mis à fumer de la drogue et il est parti, raconte-t-elle. Je pense qu'il est au Suriname maintenant." Depuis, Déborah s'efforce de survivre et, assure-t-elle, a entamé des démarches pour que sa situation administrative soit régularisée.
"J'ai déjà rempli des documents pour avoir des papiers, mais pour l'instant je n'ai pas eu de réponse, affirme-t-elle. Je veux rester ici. Je n'avais pas une bonne vie au Guyana, et maintenant je suis là. Si j'avais des papiers, je pourrais travailler, nettoyer les rues, faire n'importe quoi." Pour l'heure, elle passe ses journées à s'occuper de ses enfants et à "chercher un peu d'argent". Pour la nourriture, elle s'adresse le plus souvent "à l'église catholique". Le soir, ses enfants et elle s'installent à l'étage. Elles dorment sur de vieux matelas, à côté desquels gisent une poignée de bougies et un briquet. Les travées extérieures n'ont plus de rambardes, ce qui expose les occupant à une chute éventuelle. Déborah ne semble pas s'en inquiéter.
Le seul garçon, Robin, est âgé de 17 ans. Comme ses petites sœurs, il ne va pas à l'école. "Je vais pêcher de temps en temps", explique-t-il vivement en anglais. Debout sous la toiture en partie ravagée par un incendie, Déborah explique que personne ne leur rend visite pendant la nuit et que "les policiers ne sont pas venus" les voir depuis leur arrivée. Mais elle ne dit pas comment et pourquoi elle a atterri dans la maison. Car, peu de temps avant qu'elle ne s'y installe, d'autres personnes y vivaient.
En réalité, et malgré un arrêté de péril imminent lancé cette année par la mairie, la vieille bâtisse est constamment occupée. Comme la plupart des maisons vides et laissées à l'abandon dans la commune. Le problème, pour la ville, est que l'ancienne résidence du receveur des douanes est une propriété de l'Etat. Impossible, par conséquent, d'élaborer le moindre projet la concernant. Pour le moment, tout du moins. Car la municipalité a déjà lancé une vaste opération de rénovation dans le quartier mitoyen du camp de la transportation. Mais uniquement parce qu'elle est parvenue à convaincre les propriétaires de l'intérêt commun d'une telle opération.

NB : Deux jours après la parution de cet article, le préfet a ordonné l'expulsion de la famille qui occupait la résidence. Celle-ci ayant été murée pour éviter toute nouvelle intrusion. En revanche, la maman et ses enfants n'ont pas été expulsés. Juste invités à se trouver un autre point de chute. La France ne dispose d'aucun accord avec le Guyana permettant de renvoyer les clandestins dans leur pays d'origine. Quand ils le sont, c'est généralement vers le Suriname qu'on les dirige. Pays duquel ils s'empressent de fuir. Pour un retour quasi-systématique en Guyane, qui n'a rien de bien compliqué compte tenu du peu de moyens dont disposent les autorités pour réguler les flux frontaliers. Une franche pantalonnade, en vérité.

Des Vampires qui réclament eau et électricité

Les Vampires. Drôle de nom pour un quartier. C'est le petit pont de bois qui permet de franchir la crique, au beau milieu de la piste (immense arc de cercle vallonné qui conduit du lycée 2 au collège Albert Londres), qui a donné son nom à l'endroit. Ou plutôt les centaines de chauve-souris qui avaient pris leurs quartiers sous la charpente. Du pont des Vampires est donc née la piste du même nom, devenue depuis un quartier de Saint-Laurent du Maroni. Un quartier qui reste toutefois un peu particulier. Car ses habitants, qui ont envahi année après année les deux côtés de la piste (souvent après avoir fui la guerre civile au Suriname, au milieu des années 80), continuent d'y vivre sans eau ni électricité. Evidemment, les terrains sur lesquels ils ont construit leur maison appartiennent à l'Etat. Mais, avant eux, comme ils le répètent à l'envi, cette zone de la ville n'était qu'un espace boisé inoccupé. Alors quelle que soit l'appellation - squat, quartier - il n'en demeure pas moins que de nombreuses familles sont désormais bien implantées. Et réclament avec insistance des structures similaires à celles des autres secteurs de la ville.
Assis sur un fauteuil élimé de sa petite maison de bois, Arjan Aloeboetoe explique qu'il vit là depuis sept ans. Ses enfants sont scolarisés, et il travaille comme chauffeur dans une société de transport. De son propre aveu, il ne sait plus quel moyen employer pour obtenir ce qu'il veut : l'eau l'électricité, un titre de propriété. "On ne fait rien pour nous, regrette-t-il. On se pose des questions, on se demande ce qu'on peut faire. On nous promet des choses mais rien ne se passe. On n'a plus confiance. Si on avait demandé quelque chose qui n'est pas à Saint-Laurent, je comprendrais. Mais les câbles sont là. Et quand on demande à devenir propriétaire, on nous le refuse." Assis en face de lui, Rinado Tergie formule les mêmes doléances. "Il y a environ 150 demandes d'électrification, et on nous a indiqué qu'un budget de 300 000 euros était débloqué, assure-t-il. Mais on attend toujours. Et pour l'eau c'est pareil. C'est comme si on nous laissait de côté. Comme si on ne faisait pas partie de Saint-Laurent." Arjan Aloeboetoe renchérit : "On entend dire qu'on ne payera pas nos factures. Mais on s'éclaire avec des groupes électrogènes qui coûtent cher. Si on nous met l'électricité, on sait que ça ne sera pas gratuit ! Et on est prêt à payer. D'accord, il y a la ZAC Saint-Maurice (Zone d'aménagement concertée, qui vise à aménager une vaste zone de la commune et qui englobe notamment les Vampires), mais nous on a besoin d'électricité aujourd'hui."
Pour l'heure, l'électricité est donc fourni par des groupes électrogène. Quant à l'eau, les habitants la récupère dans des cuves après la pluie, ou s'en procure à la crique surmontée du fameux pont des Vampires. Une situation des plus précaires. Particulièrement en saison sèche, quand le point d'eau diminue à vue d'œil. Si les résidents avouent leur sentiment d'abandon, leur situation est néanmoins connue des autorités.
Marie-Anne Montéléone est attachée territoriale à la Communauté des communes de l'Ouest guyanais (CCOG), chargée de la fiscalité, de la gestion du foncier des communes et du patrimoine de la CCOG. Elle parcourt tous les quartiers de l'Ouest depuis plus de dix ans, transmet ses rapports aux autorités, aide souvent des habitants à monter des dossiers. "C'est le cas actuellement dans les quartiers de Vietnam et Djakata à Saint-Laurent", souligne-t-elle. Par conséquent, Vampires, elle connaît parfaitement.
"Il n'y a rien, lance-t-elle. Personne ne s'occupe du gros squat. Il ne s'étendra pas, puisque la zone est limitée par la crique. Mais physiquement ils arrivent à saturation. En attendant il y encore des construction en cours." Quant à la situation administrative des familles, elle ne facilite pas les choses. "Même pas la moitié de la population est en situation régulière, explique-t-elle. Mais les enfants sont scolarisés, et beaucoup sont nés sur le territoire français." Lorsqu'il est précisé que pour que l'Etat accorde une cession de terrain, le demandeur doit être soit français soit détenteur d'une carte de résident de dix ans, il devient plus simple de comprendre les difficultés de certains habitants à obtenir un titre de propriété. Néanmoins, il en existe. "Une dizaine de personnes, affirme Marie-Anne Montéléone. Et le long de la route goudronnée à Sables Blancs (juste avant la piste des Vampires) d'autres doivent bénéficier d'une cession cette année. Mais ils sont là depuis longtemps."
Si la situation de Vampires comporte des particularités, il ne s'agit pas du seul secteur de Saint-Laurent dans lequel la population vit de façon précaire. Djakata, Vietnam, Paul Isnard, Bois Canon, tous abritent leur spécifités. Et leurs contradictions. Comme le fait d'imposer certains occupants qui, de fait, n'ont pas le droit d'être installés sur le terrain qu'ils occupent.

mercredi 8 octobre 2008

Dépoussiérage historique


Négligemment entreposées dans un vieux bâtiment de Saint-Laurent du Maroni depuis de nombreuses années, les archives de la ville ont fait l'objet d'une méticuleuse séance de tri sous la conduite du directeur des archives départementales de Cayenne. Une opération qui a permis de découvrir quelques précieux documents.

Assis devant une longue table recouverte d'imposantes piles de documents, Philippe Guyot laisse échapper un soupir. Pour le deuxième jour consécutif, il décortique minutieusement les pochettes, serviettes et autres cartons dans lesquels repose une partie de l'histoire de la commune de Saint-Laurent. Et, pour tout dire, le directeur des archives départementales de Cayenne se demande s'il va pouvoir s'accorder une courte pause afin de se restaurer. Car le travail est colossal. Non pas en raison de la masse de pièces à examiner et à trier, mais parce que personne à Saint-Laurent n'a jamais pris le temps de se plier aux exigences de l’archivage. "L'état de poussière et les strates de crasse prouvent l'ancienneté de la chose", s'amuse-t-il. En réalité, jusqu'à très récemment, personne ne connaissait avec certitude le lieu où étaient entreposés tous ces écrits.
C'est dans un petit bâtiment de l'avenue Gaston Monnerville, à deux pas de l'école des Malgaches, que s'entassent depuis des dizaines d'années les archives de la ville. Encore fallait-il pouvoir y entrer. "On n'arrivait pas à mettre la main sur les clefs", sourit Marie Bourdeau, animatrice de l'architecture et du patrimoine au sein de la mairie. Celles-ci retrouvées, les archivistes ont vite pu mesurer l'importance des découvertes effectuées lors de cette courte séance de dépoussiérage.
Subventionnée par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), la mission consiste à éplucher avec soin tous les dossiers antérieurs à 1949. "Saint-Laurent a été fondée en 1858, mais les documents les plus anciens que nous avons trouvés datent de 1870, et concernent la production de rhum à l'usine Saint-Maurice", précise Philippe Guyot. La rhumerie qui occupe un large espace dans les montagnes de papier. "On a quasiment toute l'activité, s'enthousiasme le directeur. Les statistiques de la rhumerie, qui au début ne produit que du sucre avant d'être transformée en usine mixte, des rapports sur la production, la vente, c'est énorme. Les travaux, les aménagements, les machines, il y en a trois ou quatre fois plus que ce qu'on aurait espéré. L'administration du bagne étant pléthorique à l'époque, les fonctionnaires passaient leur temps à faire des tonnes de rapports." Evidemment, Philippe Guyot ne travaille pas seul. A ses côtés, Jean-Pierre Bacot et Léopold Champesting, respectivement responsables de l'atelier restauration/reliure et du secteur magasinier aux archives départementales. Mais aussi Muriel Cohen et Emmanuel Szurek, deux professeurs agrégés en thèse d'histoire, qui ont interrompu leurs vacances en Guyane pour se plonger dans le passé de la commune. "Ces documents, c'est le rêve de l'historien", assure Emmanuel, encore stupéfait des trouvailles qu'il a pu faire. Et notamment sur l'époque du gouvernement de Vichy. "C'est la période la mieux représentée, la plus complète, explique Philippe Guyot. Parce que c'est la plus récente de la fin de l'administration pénitentiaire à la tête de la mairie (le maire n'était autre que le directeur adjoint du bagne). Politique, économique, voirie, équipements, tout est là. C'est tant mieux, parce que c'est une période les plus cruciales de l'histoire du bagne. La période où il y a le plus de morts (voir ci-contre)." Les taxes en vigueur, la fiscalité locale et l'usine électrique font également l'objet de nombreux documents. En revanche, très peu de choses sur le monde associatif. Et aucun plan ni la moindre photographie. "On suppose que c'est resté dans les familles", glisse Marie Bourdeau.
Pour l'heure, les archives vont être conservées dans le même local. Dès que la municipalité disposera de son Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine (Ciap, pas avant 2010), dans le camp de la Transportation, l'ensemble des documents y seront entreposés, exposés, et consultables par le public.

lundi 15 septembre 2008

Un week-end à la Courneuve... (Paris)


En attendant plus amples informations, un petit aperçu de la fête de l'Humanité 2008...

mercredi 3 septembre 2008

Tiercé perdant

"On n'a que ce que l'on mérite !"
Voici une formule passe-partout qui peut faire beaucoup de mal lorsque l'on tente de la transposer dans la vie de tous les jours. Et qui fait plus de mal encore à ceux qui résident dans l'Oise et à Beauvais en particulier.
En effet, en cette rentrée politique, La Rochelle s'offre les universités d'été du PS, Royan celles de l'UMP, Paris celles de l'Alliance Royale (un mouvement que j'apprécie particulièrement), Vieux Boucau (Landes) celles des moribonds du PCF, Toulouse pour les Verts, etc.
Et la ville-préfecture de l'Oise me direz-vous ?
Et bien, à partir de ce jeudi 4 septembre, Beauvais s'apprête à accueillir les universités d'été du... Cheval de Trait !
La classe non ?
On n'a que ce que l'on mérite...

lundi 1 septembre 2008

R. Labévière viré de RFI... ou les malheurs de celui que ne pense pas comme il faut (Paris)

R. Labeviere Victime du sionisme institutionnalisé
Vidéo envoyée par sifdine69

Bonjour à tous,

Une petite vidéo puisque les foutus glandeurs que nous sommes avons abandonné toute forme d'acivité rédactionnelle. Au moins que ces quelques minutes, à voir absolument, nous donnent envie d'échanger un peu. Bises à tous.

vendredi 8 août 2008

Grand jeu concours de l'été (Paris)




(Je sais, la photo n'a rien a voir, mais c'est si beau...)
Dans le cadre d’un grand jeu concours richement doté, placé sous le haut patronage d’un comité composé de journalistes et de personnalités influents dans le monde de la presse, de l’entreprise et de la politique, nous vous proposons de rédiger une lettre ouverte au journal le Monde. Les lauréats verront leur texte publié dans l’édition papier du grand quotidien du soir de référence, et bénéficieront d’une large exposition médiatique : interviews radio par Jean-Pierre Elkabbach, Nicolas Demorand, Jean-Michel Apathie, citations dans le bloc-note du Point de Bernard-Henri Lévy et dans un édito de Laurent Joffrin dans Libération.

Le sujet à développer est libre. Il sera néanmoins considéré favorablement par le jury de développer une argumentation autour du dérapage d’un quelconque chroniqueur antisémite de la presse écrite. D’autres sujets sont néanmoins possibles.

Les concurrents devront se conformer impérativement à quelques règles de bon sens :

Titre de la tribune :
L’Horreur de l’insoutenable

La tribune devra être signée sous les pseudonymes :
Jean-Gérard Chnitzel, doctorant à l’université de Maubeuge et Rodolphe Schindler, journaliste de presse écrite régionale

Utiliser les mots :
Ignobles, abject, ignominieux, infect, nauséabond, vigilance, honteux, plus que jamais, barbu, Soljenitsyne, complaisance, cheval de Troie, mal du siècle, rouge-brun, Faurisson, haine, populiste, sans précédant

Ne pas utiliser les mots de :
Race

Développer les idées de :
Choc des civilisations, barbarie, démocratie, totalitarisme

Etayer son argumentation par de multiples références à des sites internet « proches du Hezbollah », qui en aucun cas ne devront exister.

Parler en termes positifs de Jean-Claude Gayssot (pas facile, hein ?), ou de Ayan Hirsi Ali, ou de Robert Ménard et négatifs de Noam Chomsky ou, à défaut, d’Alain Badiou ou, à défaut, de Pierre Bourdieu.

Texte à adresser à l’adresse suivante : courrier-des-lecteurs@lemonde.fr




Bon courage…………………………………………


jeudi 5 juin 2008

Famille118.03.05.0118881 (Paris)

Famille118.03.05.0118881
Vidéo envoyée par propaglande

Vidéo réalisée par Fanfan, un copain du quartier, sur une famille qui vit dans le quartier. Une réalité simple, qui ne mérite pas d'explications. Un film brut.

dimanche 25 mai 2008

mercredi 21 mai 2008

Vieille école, vieilles méthodes (Guyane)

Depuis un mois les manifestations se succèdent dans le département. Enseignants, lycéens, collégiens et parents d'élèves forment les cortèges. Les plus obstinés viennent de l'Ouest. Saint-Laurent du Maroni, Mana (Nord-Ouest, à quelques dizaines de kilomètres de l'embouchure du Maroni), Apatou (la première "grande" commune en aval du Maroni) se regroupent afin de défiler dans les rues de la sous-préfecture. En cause, bien évidemment, la réforme annoncée de l'Education nationale. Suppression de postes, dégraissement. Une mesure qui peut sans doute être appliquée sans conséquences immédiates dans l'Hexagone. En Guyane, en revanche, le projet gouvernemental confine à l'ubuesque. A l'Assemblée nationale, la semaine dernière, la députée de la deuxième circonscription de Guyane, Chantal Berthelot, interpelle Xavier Darcos. Une collaboratrice du ministre récite au micro une belle et longue réponse condescendante, expliquant que le gouvernement à toujours répondu, depuis les émeutes étudiantes qui avaient agité Cayenne en 1996 (seule la venue de Bayrou et l'annonce de la création d'un rectorat - en 1996 ! - avaient mis fin au conflit), aux besoins de l'éducation en Guyane. Etonnant. Surtout quand on connaît le pourcentage invraisemblable d'enseignants contractuels (près de 25%, si je ne me trompe), et les conditions dans lesquelles travaille ce beau monde. Un contractuel, rappelons qu'il s'agit d'une personne qui N'A PAS DE DIPLÔME pour enseigner. Il existe donc d'excellentes pioches, et des brêles de haut vol. La loterie éducative. Et les établissements travaillent sans filet. Un prof malade, absent, tire-au-flanc, et c'est le vide intégral. Parce que trouver un remplaçant relève de l'impossible. Résultat, au lycée Bertène Juminer de Saint-Laurent, pour exemple, certains élèves de 1ère n'ont pas eu de cours de français pendant plus de quatre mois. Dans quelques semaines, ils devront quand même passer leur épreuve du bac. Sans bagage. Avec la réforme, ce sont des options qui sautent, purement et simplement. La filière théâtrale disparaît, certaines classes n'auront plus de cours de sport, etc. Et des heures supplémentaires en pagaille à assurer pour les enseignants. Alors, certes, quand la semaine se résume à 18 heures de cours, préparer quelques sessions de plus ne paraît pas insurmontable. A moins d'être une crasseuse faignasse. Mais le problème ne se pose pas exactement en ces termes.
Hier, les professeurs venus de toute la Guyane afin de manifester devant le rectorat de Cayenne ont eu droit à une visite relativement musclée des forces de l'ordre. Et quand l'Etat fait charger - et gazer - les dépositaires de l'instruction par ses forces armées, il convient de s'interroger sur son évolution et son fonctionnement politique.

http://www.dailymotion.com/video/x5hxxg_le-dialogue-vu-par-le-rectorat20-ma_news

Et que dire du nouveau recteur (nommé une poignée de semaines après les élections municipales) qui, cloîtré dans son bureau, refuse catégoriquement de s'entretenir avec les enseignants ? Rien, ou presque. Le symbole s'avère suffisamment parlant. Aujourd'hui, demain, les manifestations se poursuivent.

mardi 13 mai 2008

Question d'humanité, sans doute (Guyane)




La première est une espèce marine des plus remarquables. Seule survivante d'une caste dont tous les représentants ont disparu depuis l'ère tertiaire. Excellente plongeuse, elle peut descendre jusqu'à 1300 mètres, ce pendant près de 80 minutes. Elle promène son double mètre et sa demi-tonne dans la plupart des océans du globe, sa carapace faite de petits osselets sur le dos, avec pour seul objectif d'obéir à ses cycles de reproduction. Elle débarque ainsi tous les ans sur les côtes de Guyane, notamment. Et l'on se presse sur les plages de Montjoly ou d'Awala-Yalimapo pour observer ce phénomène sans âge. Mais toutes n'atteignent pas les rivages, en proie au braconnage, aux filets de pêche, à la pollution ou à l'urbanisation des littoraux. Par conséquent certaines, comme celle qu'il est possible d'observer ci-dessus, échouent parfois sans vie sur le sable. Ce qui ne manque pas de déclencher une vague d'indignation parmi les innombrables associations qui luttent pour la survie de cette espèce en voie de disparition, et qui fait l'objet de programmes internationaux de protection et de conservation.

La seconde espèce nous est nettement moins inconnue. Rien de plus normal, il s'agit de la nôtre. L'Homo sapiens. Malheureusement sous une forme quelque peu dégénérescente, car parasitée ou plutôt infectée par des substances qu'elle a elle-même créées. La catégorie représentée ci-dessus peut être observée dans les rues de la plupart des cités de la planète. Dans toutes, en vérité. La Guyane n'est évidemment pas une exception. Sa localisation sud-américaine, ses frontières spongieuses font de ce département français un espace de circulation idéal pour les trafiquants en tout genre. Et la drogue la moins coûteuse, et donc la plus prisée par les exclus, a pour nom le crack. Inutile de s'étendre sur les ravages engendrés par le petit cristal. En revanche, il est étrange de constater avec quelle indifférence l'on observe la déchéance progressive de ses propres congénères. En s'indignant deux fois l'an, sans apporter de solution. Ou si peu.

Etrange comparaison, en réalité. Si ce n'est par sa simplicité. Le terme simpliste, ou simplificateur, survient sans doute déjà en parcourant ces lignes. Pourtant, c'est un fait, à la lecture du nombre d'organismes en charge de sauver ici la première espèce (à tout le moins de s'en soucier), et de leur équivalent afin de porter secours à la seconde, je ne puis que m'interroger davantage.
Et lorsque, comme sur les photos présentées ici, deux corps gisent en public, je vous laisse deviner lequel suscite le plus de réactions compatissantes. Peut-être une simple question humanitaire ? En fait, les autorités étatiques locales trouvent une solution aux moments opportuns. Comme, pour exemple, lors de la récente venue du p-résident des f-rançais. Ce jour, dans les rues de Cayenne, plus un seul SDF, plus l'ombre d'un cracké à la recherche de trois euros pour l'achat d'un caillou spatial. Non. Une rafle d'un nouveau genre les avait notamment envoyés dans les locaux de l'antenne psychiatrique de l'hôpital. Rassurez-vous, dès le lendemain matin, ils étaient de retour dans les rues. Retour à la normale, en somme. Et puis, reconnaissons que la révolte ne gronde pas vraiment... Juste un petit tour sur la Terre.

vendredi 9 mai 2008

Petits éclaircissements (Le Caire)


Finalement, je suis assez satisfait que La Goutte m'ait quasiment imposé un état des lieux sur le Liban il y a 2 mois. En effet vu les évènements de ces trois derniers jours et la manière dont la "grande presse" nationale rapporte les faits, j'espère que de relire mon article d'alors vous permettra d'y voir plus clair entre les bons et les méchants, si on se place dans une vision manichéenne comme Le Monde ou Libé.

A entendre France Info, le Hezbollah s'oppose à des forces gouvernementales. Pour celui qui n'y connait rien, on croirait que les militants chiites se battent contre la police ou l'armée. Bah non ! Par "forces gouvernementales", il faut entendre "milices formées de militants des partis qui forment le gouvernement". Ouais, mais c'est plus long.

A en croire les journaux français, le facteur principal de la crise serait l'armement dont dispose le Hezbollah (TOUS LES PARTIS POLITIQUES AU LIBAN ONT UNE MILICE !) et les liens étroits que ce parti entretient (à l'indicatif parce que c'est un fait) avec deux des trois pires ennemis des Etats-Unis : la Syrie et l'Iran. Si les syriens et les iraniens ne sont pas blanc-blanc dans ce qu'il se passe au Liban depuis des années, quid des sus-nommés Etats-Unis et d'Israël, et dans une moindre mesure de l'Europe ?

Non je ne prends pas fait et cause pour le Hezbollah. Le but de cet article est bien plus pour m'indigner de la manière dont les média français donne une information de manière sélective afin de stigmatiser les méchants chiites (apparemment source de tous les maux au Moyen-Orient) face aux gentils sunnites et aux victimes chrétiennes.

Pas un article n'a mentionné la conférence de presse de Michel Aoun hier soir à la télévision libanaise qui a apporté son soutien à ses partenaires de l'opposition. Pourquoi ? Il est chrétien, francophone et ceci décrédibiliserait la thèse selon laquelle les troubles de ces derniers jours visent à instaurer une république islamique au Liban sur le modèle iranien.

Aucun article ne mentionne la relation extrêmement privilégiée qu'entretient Jacques Chirac avec la famille Hariri. Pourtant, son beau 250m2 parisien est un prêt de ce crétin de Saad. Ceci permettrait d'expliquer le soutien sans faille de la France au gouvernement libanais actuel.

Qui rappelle que Geagea (désolé pour la précédente orthographe...) est le meurtrier de Sabrah et Chatilah et que Walid Jounblat est une crapule ?

Et quel miracle ! Quel transmutation ! Du Actarus, du Bioman, que dis-je, du X-Or dans le texte : les miliciens chiites opposés aux membres du Parti du Futur (de Hariri) qui mercredi étaient des membres de Amal, se sont progressivement transformés en militants du Hezbollah !

Pour y voir plus clair après mon indignation et comprendre qu'il s'agit bien d'un problème politique et non religieux, allez faire un petit tour ici et .


Et si vous voulez vous marrer un bon coup, parce que rien ne vaut une bonne tranche de rigolade, allez sur le site des résolutions de l'ONU. A mourir de rire comment la plupart d'entre elles sont respectées.

A bientôt.

jeudi 8 mai 2008

Bien entendu ça fait penser à ça... (Paris)

Orange Mécanique (Bande Annonce V.O)

... et ça crée la polémique (Paris)

JUSTICE - STRESS By Romain Gavras (Kourtrajmé) CLIP

Question 1 : Que penser de ce clip? Plus de 600 000 visualisations en quelques jours...

Question 2: Appel aux cinéphiles. Saurez-vous retrouver les références cinématographiques dont le clip est truffé?

samedi 15 mars 2008

La Goutte chez les pandores... ou les risques du blogger (suite et fin) (Paris)



Avant d’entrer dans le détail de mon expérience au commissariat de la Goutte d’Or, un petit mot sur Bruno. Bruno anime le site Propaglande sur lequel je vous conseille d’aller vous perdre. Mine d’informations sur l’Afrique et sur la situation des sans-papiers en France notamment. Bruno a repris le flambeau du combat de son père, Jean-Paul Gouteux, qui s’est entièrement investi, au sein de l’association Survie , dans la dénonciation de l’implication de la France dans le drame rwandais. En première ligne du combat pour la mémoire, Jean-Paul Gouteux est mort en 2006. Ses livres avaient ému le journal Le Monde qu’il dénonçait pour son traitement du génocide. Le quotidien l’avait poursuivi à deux reprises. Le mur du silence sur cet épisode tragique de l’histoire du continent africain ne pourra jamais totalement s’édifier tant que des hommes et des femmes se battrons pour la vérité. À lire, La nuit rwandaise , que l’on peut commander par le biais de Propaglande, ainsi que les ouvrages de François-Xavier Verschave , lui aussi disparu, inlassable pourfendeur de la « Françafrique ». Bruno s’inscrit dans cette filiation, en animant La télé des sans-papiers et le journal Le quotidien des sans-papiers . Et cela se passe notamment rue Léon, en plein quartier de La Goutte d’Or, où la notion de citoyenneté n’est pas encore complètement vidée de son sens.

Je me trouve donc ce soir-là au café "Les 3 frères" - dont Chronik est maintenant un habitué - regardant d’un œil distrait le club de Lyon se faire étriller et abdiquer toute chance d’inscrire son nom au palmarès de la coupe d’Europe des clubs champions. Vanessa m’accompagne. Fumeuse invétérée, elle m’enjoint de la suivre hors des murs rassurants du bistrot pour nous rendre sur l’inquiétant trottoir inhaler quelque fumée nicotinique. Nous prenons donc place, imitant la pose de celles qui vendent leurs charmes, et dissertons tranquillement sur Suez et Panama. Sur notre droite, à un mètre, quelques jeunes porteurs de mur à l’allure patibulaire, mais presque. Lorsque surgit à contresens de la rue Léon et en grande trombe une camionnette estampillée Police nationale. Et dans la seconde qui suit une cavalerie digne des meilleurs westerns, le clairon en moins. Des motos et voitures qui pilent devant nous s’extraient plusieurs dizaines de policiers, les uns en uniforme, les autres en civil, certains ayant omis de se munir du brassard réglementaire indiquant au quidam distrait leur qualité de représentant de l’ordre. Ni une ni deux, la totalité des jeunes se retrouve dignement menottée. Pas un geste d’opposition, c’est la stupeur et la surprise qui dominent.

À une trentaine de mètres, la situation s’envenime. Des cris s’élèvent, une interpellation semble provoquer quelques réactions. Et dans le sillage des pandores, des flashs crépitent, un photographe mitraille la scène. Je décide alors à mon tour de prendre quelques clichés, saisis mon appareil malgré les conseils avisés de Vanessa. L’opération n’aura duré qu’un instant, parfaitement huilée. "L 627" en substance – illicite il va sans dire.

Mais mon initiative ne semble pas plaire à un flic en civil qui m’intime l’ordre de ranger mon appareil. Ce que je refuse, considérant à juste titre que je suis dans mon droit. On m’embarque donc, et je rejoins la camionnette. Pas de pinces pour m’entraver, je pense à ce moment à un simple contrôle d’identité. Après la fouille, je prends place au côté d’un grand métisse aux dread locks, Bruno, menotté dans le dos, qui s’indigne de la brutalité avec laquelle il a été interpellé. Je décide quant à moi de garder le silence, indiquant simplement au policier qui brandit comme justification de mon arrestation une violation du droit à l’image que ce droit ne peut être invoqué que dans le cadre de la publication des photos, et que les prendre sur la voie publique n’est en aucune manière délictuel. Dialogue de sourds, bien entendu.

Bruno a décrit dans le détail la suite des évènements, je n’y reviendrai donc pas. Les jeunes nous rejoignent dans l’estafette, sans un mot, la tête baissée. Dehors, la tension monte. Des clients des cafés alentour, j’en connais quelques-uns, protestent. Il y avait ce soir-là des réunions de la LCR et des Verts. Une odeur de poivre soudain, ceux qui ont osé réagir à notre interpellation ont reçu semble-t-il une bonne giclée de gaz lacrymogène. La situation se tend, Momo au loin me demande comment l’on peut me joindre, je lui indique que Vanessa a mes coordonnées. La camionnette finit par démarrer, direction l’hospitalier commissariat de La Goutte d’Or. L’on nous fait asseoir, quelques gestes vifs, et nous nous retrouvons Bruno et moi sur le banc de bois qui jouxte les locaux de l’accueil. Ceux qui étaient visés par l’opération sont promptement dirigés vers d’autres lieux. Une longue soirée s’annonce.
Bruno est bientôt emmené pour son audition, je reste donc à patienter dans cette glauque atmosphère, accompagné parfois d’un flic qui me surveille, parfois complètement seul. Je prends mon parti de la situation et décide d’en profiter pour m’informer. Déjà se dessine mon prochain post sur Regards croisés.

Allées et venues, les équipes s’entrecroisent, se saluent, se chambrent virilement. En uniforme ou sans, différents services cohabitent au sein des mêmes locaux. Un panneau manuscrit indique sur une porte, en face de moi, « interdit à la Bac ». Une hiérarchie induite par les comportements se dessine. Tout en bas les bleus, qui patrouillent dans les rues, s’abattent parfois sur les vendeurs à la sauvette (voir le post "Poulets taquins") et quadrillent le secteur. Puis ceux de la Bac, qui agissent en civil. Plus haut, la brigade des stups, initiatrice de l’opération qui devait viser les dealers de la rue Léon. Car sur le quartier s’est abattu le fléau de la drogue la plus sordide, le crack, qui décime ses victimes édentées. De cela, j’en suis le témoin tous les jours. Loin de moi d’en nier la réalité, le produit et ceux qui le diffusent ne sont que pourriture.

J’entame la conversation avec un flic en civil, qui invoque une nouvelle fois le droit à l’image pour justifier ma présence à ses côtés. Je lui rappelle Villiers-le-Bel. On poursuit sur l’ambiance du quartier. Je reconnais la nécessité de l’action de la police, mais m’accorde le droit de remettre en cause certaines de ses pratiques dans le contexte actuel de traque aux sans-papiers. Moi-même fonctionnaire, je milite pour une police républicaine et m’autorise à prendre des photos lors des interpellations pour dénoncer, le cas échéant, les dérives que je constate au quotidien. D’autres se joignent à nous. A la nuance de mon premier interlocuteur succède la virulence de l’un de ses collègue. Il m’annonce qu’un jour ils se feront justice eux-mêmes, sans ordre de leur hiérarchie, illustrant bien malgré lui la justesse de mes propos.
Je vole aussi, quelques bribes de conversations. Ca dénonce le gauchisme rampant dans le quartier (« Les gauchos au goulag »), ça se targue d’avoir gazé les bobos, ça parle plus simplement des vacances qui se profilent, du dernier film téléchargé ("Rambo 4" en l’occurrence), ça dragouille un peu aussi. On tient à me présenter un flic d’origine maghrébine pour me prouver grassement que l’institution n’est pas raciste. Charmante initiative qui finit bien-entendu par me convaincre du bien-fondé de mon arrestation.

Retour au calme, l’entourage s’est dispersé, mais une clameur s’élève bientôt de l’extérieur. J’entends monter un slogan repris en chœur par quelques dizaines de manifestants – selon la police - : « Libérez nos camarades ». Un rassemblement spontané devant le commissariat dénonce notre arrestation et exige que l’on mette fin à la mascarade. Branle-bas de combat, exaspération manifeste. Une rumeur enfle alors, se propage : un élu aurait été arrêté. On vient prendre une nouvelle fois mon identité. La blancheur de ma peau et la nuance de mes propos militeraient en faveur de ma qualité d’élu, mais la question ne m’est pas posée directement. Certains s’inquiètent de voir Daniel Vaillant, maire de l’arrondissement et ancien ministre de l’Intérieur, se joindre à la manifestation.

Un membre de la Bac, témoin des conversations que j’avais pu avoir avec certain de ses collègues, me propose de le rejoindre à lui pour fumer une cigarette. Il me tend son paquet, mais je repousse son offre, j’ai en poche mes propres Malboros rouges. Je le sens un peu vexé par mon refus, mais la conversation s’engage. Entré à 20 ans dans la police par conviction, il vit aussi mal que moi l’acharnement à l’égard des sans-papiers, et considère la politique suivie comme honteusement hypocrite ; derrière la façade d’une politique ferme à l’égard de l’immigration clandestine se cachent des intérêts économiques puissants qui encouragent la venue d’une population corvéable et malléable. Et que cette chasse au faciès permanente handicape le vrai travail de la police. Je lui indique partager son analyse lorsque vient me chercher un flic en civil.

L’heure de mon audition est venue, il me demande de le suivre au 5ème étage du commissariat, réservé à la brigade des stups. Je lui emboîte le pas vers son bureau, qu’il partage avec deux collègues. Aux murs, une affiche de "À bout de souffle" et un gigantesque poster de Bob Marley, des autocollants sur son casier, de la LCR notamment. Je m’installe en face de lui, il me propose un café. Blond, proche de la quarantaine, le muscle saillant se dessinant sous le tee-shirt, il semble sortir tout droit d’un polar d’Olivier Marchal. La discussion qui suit est cordiale, le jeu des questions-réponses est agrémenté par toutes sortes de digressions sur le métier qu’il exerce, sur les raisons qui m’ont poussé à refuser de ranger mon appareil et à prendre des photos de l’opération. Bien que justifiant mon interpellation, il semble néanmoins la considérer somme abusive et comprendre mes motivations.

L’heure tardive n’a pas démobilisé le rassemblement spontané dont les slogans nous arrivent distinctement. J’entends une altercation verbale entre un riverain et une manifestante. Je reconnais la voix de Vanessa, qui affirme qu’elle aussi doit se lever le lendemain – ce qui n’est pas complètement exact puisqu’elle ne travaillait que l’après-midi. Et de m’entendre dire, comme une confidence par mon interlocuteur, que bien que gêné dans son travail par ce type de réactions citoyennes, il se doit d’en reconnaître le caractère émouvant. Notre tête-à-tête est interrompu à plusieurs reprises par l’incursion de celui à qui je dois ma présence en ces lieux, et qui dirigeait l’opération du soir. Je le sens tourner autour du pot, me demandant à nouveau mon identité d’abord, promettant une sortie très proche, insinuant que si je suis élu de Paris autant le lui dire. J’essaie de lui faire comprendre que je ne le suis pas, et le répète à celui qui m’entend lorsque nous nous retrouvons seuls. Sur une dernière question concernant mes fonctions, je me dois de répondre que je travaille au Conseil général de la Seine-Saint-Denis. « J’aurais arrêté un conseiller général ? », voilà peut-être la question qui le tourmente alors que s’achève mon audition.

La rédaction du procès-verbal se conclut sur une ultime question : « Avez-vous pris des photos ? » J’y réponds par l’affirmative, et confirme que l’appareil est sur moi. À aucun moment on ne m’aura demandé de les visionner ni, à fortiori, de les effacer. J’avais, et mon interlocuteur le reconnaissait, tout à fait le droit de prendre des clichés de l’opération.

Le PV signé, je suis raccompagné jusqu’à la porte du commissariat par celui qui m’avait entendu. Dans l’ascenseur, je lui dis qu’il serait peut-être bon de libérer le chef d’opération, que j’avais aperçu quelques secondes plus tôt, en traversant le étage, pendu au téléphone, du poids de la culpabilité. Celui d’avoir arrêté un élu 5 jours avant les élections municipales. Il me fait alors comprendre que ça n’est que justice, et qu’il n’interviendra pas pour le rassurer.
En me quittant, il me tend une main que je lui serre sans cas de conscience. Je rejoins la petite troupe, toujours en station devant le commissariat. Il y a là Bruno, sorti quelques minutes auparavant, Vanessa, Fanfan, Denis, Manue, Olivier et de nombreux autres. Un père aussi, avec son jeune fils. Et Momo qui me tend un oignon, lancé depuis l’appartement d’un voisin ulcéré.

Dans les discussions qui suivent, je comprends qu’Olivier, élu Vert muni d’un numéro direct à la préfecture, avait appelé pour connaître les raisons de mon arrestation. Celui qui reçut l’appel avait dû comprendre, par un quiproquo plein de saveurs, que les pandores avaient arrêté un élu dans un contexte électoral peu propice. Et que cette arrestation deviendrait un argument politique, du pain béni pour dénoncer les méthodes policières… quinze jours après le spectacle très médiatique de Villiers-le-Bel.

La farce était d’autant plus belle que celui qui voulait savoir avant tant d’insistance qui j’étais, et qui a dû scruter avec attention l’ensemble des annuaires des conseils de Paris puis de Seine-Saint-Denis, était celui qui avait pris l’excellente initiative de nous faire arrêter. Et qui, pour couronner le tout, avait quelques minutes auparavant tourmenté Bruno lors de son audition. Tel est pris celui qui croyait prendre…

À la réflexion, certaines choses paraissent surprenantes. Ce déploiement policier d’abord, pour arrêter quelques jeunes, parfaitement connus des services de police, finalement relachés quelques minutes après leur interpellation. La présence d’un photographe qui mitraille la scène pourrait laisser à penser qu’il s’agissait-là d’une belle opération de communication.
À noter aussi qu’une journaliste de Marianne se trouvait aux "3 frères" pendant l’opération. Y aura-t-il une brève dans l’hebdomadaire ? À suivre…

mardi 11 mars 2008

La Goutte chez les pandores... ou les risques du blogger (suite) (Paris)

Le témoignage qui suit a été rédigé par Bruno, avec qui j'ai partagé quelques instants de bonheur au commissariat de la Goutte d'Or. Le mien suivra. Où l'on verra que deux expériences à priori similaires peuvent se révéler radicalement différentes...

Mardi 3 mars 2008, un peu avant 22 heures, je sors du restaurant l’Olympic Café alerté par d’autres clients du lieu de l’arrivée de nombreux véhicules de police qui stationnent rue Léon, en face du restaurant. Je pense d’abord à un accident. M’approchant de l’attroupement, je constate qu’il s’agit d’une opération de Police.

De nombreux jeunes sont menottés, les bras dans le dos, debout face aux mûrs de la rue Léon (au niveau des cafés-restaurants Le Panama et Les Trois frères ) et du début de la rue Panama, attenante. Je m’écarte alors un peu de la foule et j’observe la scène, à distance. J’allume une cigarette. Je vois ce que je pense être un journaliste [1] prendre de nombreuses photos, à proximité des policiers. Je sors alors de ma poche mon appareil photo numérique et je décide de prendre quelques clichés de la scène…

• Une arrestation musclée

Un individu s’approche alors de moi. Il marche vite, semble irrité. Lorsqu’il arrive à mon niveau, il essaie de se saisir de mon appareil photo en me disant agressivement « donne-moi ça ». Je recule d’un mètre en lui disant : « vous pourriez me parler autrement ». Je me rends alors compte qu’il s’agit d’un agent des forces de l’ordre. Il a un talkie-walkie à la main.
J’ai à peine le temps de finir ma phrase que je me trouve plaqué sur la grille du magasin, à plus d’un mètre cinquante derrière moi (au niveau du 2 de la rue Panama). Une vraie charge de joueur de rugby. La personne qui m’empoigne brutalement est donc un policier, bien qu’il ne l’ait jusque-là pas signalé et qu’il ne porte aucun signe qui aurait pu le laisser penser, comme peut en témoigner la dernière photo que j’ai prise. Il semble très excité, énervé, a les joues très rouges. Sans doute est-ce dû au froid… Il essaie de nouveau de m’arracher l’appareil photo, tout en continuant à me plaquer brutalement contre la grille métallique du magasin et à me crier dessus de façon très grossière. Son coude appuie très douloureusement sur mes côtes, côté droit.
Je ne fais rien pour me dégager. J’essaie de le calmer. Je lui parle, lui disant que « je ne fais rien de mal », qu’il ne doit pas « s’énerver ainsi après moi », « passer ainsi ses nerfs sur moi ». Un policier en tenue s’approche alors de moi, sur ma droite, suivi d’autres de ses collègues. J’essaie de lui donner mon appareil photo, tendant mon bras sur ma droite, pour qu’il s’en saisisse. « Je vous le donne, Monsieur, prenez-le », lui dis-je alors. « Je vous le donne à vous, votre collègue va le casser, j’en suis sûr, il est trop énervé ». J’essaie comme je peux de lui tendre l’appareil, alors que je suis toujours brutalement plaqué dos au mur. La pression sur ma poitrine va s’amplifiant. C’est extrêmement douloureux. « Tenez, prenez-le » répétè-je. L’autre policier, tout en continuant de m’écraser contre la grille métallique, m’empêche de donner l’appareil à son collègue, retenant mon bras. Il tente une nouvelle fois de s’en saisir. D’autres policiers commencent alors à m’agripper et je me retrouve soudain brutalement projeté au sol, entre le trottoir et la rue, dans le caniveau. Des policiers ont leurs genoux sur mon dos. Des menottes me sont passées. Le policier auquel je tendais mon appareil photo arrive finalement à s’en saisir. Ils me redressent et me dirigent vers la fourgonnette dans laquelle je suis poussé sans ménagement.
La scène s’est passée très vite, j’ai à peine eu le temps de réagir et de comprendre ce qui m’arrivait. À aucun moment il ne m’a été demandé de m’identifier. J’ai été la victime passive de la brutalité d’un policier qui semblait être dans un état second, extrêmement énervé, plus du tout maître de lui alors que rien dans mon comportement ne pouvait justifier cette arrestation musclée, rien ne pouvait l’inciter à me rudoyer de la sorte ni à s’acharner aussi sauvagement contre moi.
De nombreux témoins pourront confirmer les faits que je viens de vous décrire.
Je tiens ici à vous faire part de la suite des événements.

• La « fourgonnette »

Une fois dans la fourgonnette, je me retrouve seul avec une jeune femme, en tenue de police. Elle me fouille, me vide les poches, palpe mon pantalon, de la taille jusqu’aux chaussures, passe ses mains sous ma veste, en fouille les poches et me demande si j’ai de la drogue sur moi. Je réponds par la négative. Elle me demande si je me drogue. Je réponds également par la négative. J’essaie de m’expliquer : je lui dis que je sors tout juste du restaurant d’en face, qu’on vient de me battre sans raisons, parce que j’ai pris une photo. Je lui dis que je pensais avoir le droit de prendre des images dans un espace public et que si ce n’est pas le cas, il y a des façons moins barbares de le faire savoir. Je proteste, indigné par ce qui vient de se passer : « Vous n’avez pas le droit de brutaliser ainsi, sans raison, vos concitoyens ». Lorsque je dis à cette femme policier que je viens de me faire tabasser gratuitement par l’un de ses collègues et que c’est inacceptable, je me vois rétorqué un : « allons, allons, on voit bien que vous ne vous êtes jamais fait tabasser ». En effet, jusqu’à ce jour… Et loin de moi l’idée, un quart d’heure auparavant, de me voir être tabassé par des représentants de l’Etat…
J’entends alors à l’extérieur un policier crier : « on embarque tous ceux qui prennent des photos ».
Quelques secondes après ma fouille, une autre personne est poussée dans le fourgon. J’apprendrais par la suite qu’il se prénomme Pierre, et que lui aussi prenait des photos. La jeune policière demande alors à son collègue, le jeune homme qui vient tout juste d’amener cette seconde victime, de procéder sur ce nouvel arrivant à « la fouille ». Elle descend alors du véhicule pour y remonter quelques secondes plus tard. Elle me demande mes papiers. Je lui tends tant bien que mal mon portefeuille, ayant les deux mains menottées dans le dos. Les menottes sont extrêmement serrées, elles me laisseront d’ailleurs des cicatrices que j’ai prises en photo.
D’autres personnes (huit au total, si mes souvenirs sont bons, mais j’avoue ne pas avoir compté) sont conduites au véhicule. À l’extérieur, les personnes avec lesquelles j’avais prévu de dîner s’inquiètent de mon sort. L’une d’elle essaie, sans succès, de me tendre mon bonnet, perdu alors que je me faisais rudoyer. Je réalise alors seulement que j’ai de nombreuses blessures, mon pantalon est déchiré, du sang le tâche au niveau des genoux. J’ai très mal aux côtes, côté droit.
Je réitère à l’endroit de la policière ma demande d’explications sur la brutalité et la cause de mon arrestation. Elle ne m’entend pas. La seconde personne a avoir été conduite dans la fourgon, Pierre donc, me conseille sagement de ne pas insister, de rester calme… Pas facile, dans cette situation et après ce qui vient de m’arriver, mais j’écoute son conseil.
Le camion démarre. Quand un ami essaie de m’apostropher, me demandant si je veux faire prévenir quelqu’un, les policiers assis à côté du conducteur le traitent de « sale gauchiste ». Cette insulte sera plusieurs fois prononcée à l’intention des spectateurs indignés par la scène à laquelle ils ont assisté ainsi que tout le long du trajet jusqu’au commissariat du 18 eme arrondissement, à quelques centaines de mètres de là.

• L’arrivée au commissariat

Nous sommes tous assez rudement descendus du fourgon et conduits dans une salle. On nous demande de nous asseoir sur un banc. Deux d’entre nous, dont je suis, restent debout.
Un jeune homme, assis sur le banc et menotté dans le dos, se voit donner deux coups par ce qui semble être une grosse lampe torche sur la poitrine. Un policier aurait découvert dans le fourgon un morceau de résine de cannabis, qu’il nous exhibe fièrement. « Qui a laissé ça dans le fourgon ? », demande ce policier en uniforme. Il redonne un coup de lampe sur la poitrine du jeune homme [2]. « C’est toi, hein ? ». « De toute façon, si personne ne se dénonce, ce sera toi ! ». Le jeune essaie d’expliquer qu’il n’a rien à voir avec ça, sans succès, le policier répétant : « de toute façon, si personne ne se dénonce, ce sera toi ». Les policiers nous séparent alors en deux groupes : je reste avec Pierre. Je n’ai plus revu les autres personnes arrêtées.
Je discute un peu avec Pierre, très gentil et très calme, puis on nous interdit de parler. Quelques minutes passent puis je suis conduit par le même policier qui m’a brutalisé quelques dizaines de minutes plus tôt au troisième étage. Il me dit qu’il va enregistrer ma déposition. Dans l’escalier, je lui dis qu’il serait judicieux que ce ne soit pas lui qui m’interroge, dans la mesure où il vient juste de me malmener… Je me vois répondre un « c’est comme ça » définitif.

• Un début d’interrogatoire

Je m’assieds à l’invitation du policier dans un petit bureau : une table, un ordinateur sur lequel, en guise de fond d’écran, défilent des images de femmes en lingerie fine, un mini réfrigérateur décoré d’une publicité pour une marque de bière (Desperados), une armoire et un porte manteau sur lequel se trouve plusieurs vestes. On peut aussi voir une page du Parisien affichée sur le mûr, représentant en photo « l’équipe Fillon » (Juppé est barré) ainsi qu’un poster avec des photos de membres de l’ETA, signalés comme « dangereux et potentiellement armés ».
« Nom, prénom, profession. »
« Bruno G., éditeur et journaliste. »
Le policier me regarde, perplexe. Il ne s’attendait peut-être pas à cette réponse lorsqu’il a fait asseoir le grand métis à la tête parée de dread-locks que je suis dans son bureau. Il réfléchit quelques secondes, puis me demande de me relever et m’invite à redescendre. Étant donné que je boite, séquelles de la brutalité de mon arrestation, je demande cette fois à prendre l’ascenseur, ce qui m’est accordé. Je redescends avec lui et me rassieds sur le banc, dans la salle où j’ai été conduit en arrivant. Quelques policiers s’étonnent de me voir boiter. Mon pantalon est taché de sang, au niveau des genoux.

• L’interrogatoire : deuxième acte...


Une bonne demi-heure se passe avant que je ne sois invité à remonter pour ma déposition. Je réitère ma demande d’être interrogé par un autre policier, ce qui m’est une nouvelle fois refusé. L’interrogatoire a donc cette fois bien lieu.
Le policier me demande tout d’abord (et pour la troisième fois) mes papiers d’identité (après m’avoir été demandé dans le fourgon, ils m’avaient de nouveau été demandés à mon arrivée au commissariat). S’ensuit « l’interrogatoire ». Nationalité, profession, niveau d’étude, « avez-vous un permis de port d’arme ? », « un permis de chasse ou de pêche ? », « êtes-vous connu des services de police »… Aux trois dernières questions ma réponse est négative.
Vous vous rendez compte que vous avez été arrêté parce que vous avez refusé de vous identifier ?, commence-t-il par dire.
À aucun moment vous ne m’avez demandé de m’identifier dans la rue, et j’ai fourni une preuve de mon identité dans le fourgon dès qu’elle m’a été demandée, répondis-je, sans hésitation.
Commence alors un vrai bras de fer entre moi et le policier pour qu’il note mes déclarations. Chaque fois que je veux lui faire écrire quelque chose, il répond « ça ne s’est pas passé comme ça ». Je dois insister pour chaque mot, chaque virgule. Je ne cesse de répéter « mais c’est ma déclaration ou la vôtre ? » Parfois il finit par écrire ce que je lui dis, d’autre fois, fatigué, déboussolé, douloureusement blessé aux côtes et aux genoux, je finis par céder et il écrit ce qu’il veut…
Il insiste tout particulièrement sur plusieurs points :
Il veut que je lui dise que, dans la rue, lorsqu’il est venu vers moi, je me suis tout de suite rendu compte qu’il était policier et que malgré tout je n’ai pas répondu à ses injonctions. Je lui affirme le contraire, me saisi de mon appareil photo, posé sur la table devant moi, et lui fait remarquer, en lui montrant la dernière photo que j’ai prise (où on le voit venir vers moi), qu’il n’avait sur lui aucun signe pouvant laisser penser qu’il s’agissait d’un policier, et qu’il ne s’est pas présenté comme tel en essayant de se saisir de mon appareil. Il me répond qu’il avait son brassard, ce que la photo dément.
Il me dit que plusieurs policiers sont venus vers moi lorsqu’il a essayé de se saisir de mon appareil photo. Je lui réponds par la négative et lui remontre la même photo, qui le prouve. Il était définitivement bien seul lorsqu’il s’est brutalement jeté sur moi.
Il veut que j’accepte de déclarer que j’ai refusé de remettre mon appareil photo. Je démens alors absolument, lui disant que j’ai tout fait pour le remettre à son collègue et que c’est lui qui m’en a empêché, avant de me projeter brutalement dans le caniveau de la rue Panama. Je lui dis à ce propos qu’il devrait avoir honte de brutaliser de la sorte une personne innocente de tout délit, qu’il devrait avoir honte de son comportement, que si la Police se voit, en démocratie, légitimement accorder le monopole de la violence physique, ce n’est pas pour brutaliser sans motifs les citoyens. Il ne répond pas.
Le recueil de mes déclarations va au final prendre plus d’une heure. Je n’ai absolument pas pu faire enregistrer tout ce que j’avais à dire. Ma version des faits a à chaque fois, systématiquement, été contestée. J’ai parfois réussi à lui faire écrire ce que je pensais du déroulement de mon arrestation arbitraire. Malheureusement, trop souvent, la pression et la fatigue aidant, ainsi que le fait que je n’avais pas mangé de la journée (j’avais eu une journée particulièrement chargée et je n’ai pu que passer commande au restaurant avant d’être brutalement arrêté), j’ai fini par céder et il a pu écrire sa propre interprétation du déroulement de cette arrestation « musclée ».
Revenant sur mon arrestation et me voyant hésitant, parfois imprécis, il finit par mettre en cause ma lucidité et mon degré d’alcoolémie. Je lui réponds que tout s’est passé très vite, qu’en moins de temps qu’il n’en faut pour réaliser quoi que ce soit, je me suis retrouvé brutalement balancé sur la grille métallique d’un magasin, puis sauvagement plaqué au sol et promptement embarqué. Il insiste :
Vous étiez dans un bar[3], vous n’étiez pas très lucide… On va vous faire souffler [menaçant].
Mais volontiers. Vous pouvez même me faire une prise de sang, si vous voulez. Mais puis-je exiger que vous en subissiez une également ?
Ici, c’est la Police qui exige, c’est pas vous. C’est clair !

Mon but n’est pas ici de diffamer ce policier aux pratiques d’un autre âge rappelant certains faits peu glorieux narrés notamment par Maurice Rajfus… Mais s’il s’est permis de faire peser sur moi le soupçon d’un enivrement ayant altéré mon jugement, accordez-moi que j’en fasse de même, le concernant.
Après plus d’une heure de « déposition », j’ai fini, laminé, exténué, par exiger qu’il note que j’avais été fouillé par une femme, ce que je crois être interdit par la loi. Il s’y est vivement opposé. J’ai dû insister. Il a finalement consenti à noter sur son ordinateur que j’avais été « palpé », je crois, bien que je ne me souvienne pas exactement du terme qu’il a choisi, par une femme.
Lorsqu’il m’a demandé si je voulais aller consulter un médecin pour qu’il puisse constater des nombreuses blessures qu’il m’avait infligées, j’ai décliné son offre. Ça faisait près de trois heures que j’étais, contre ma volonté et sans aucune raison, détenu dans ce commissariat et ma seule envie était bien évidemment d’en sortir. Je ne voulais aucunement terminer cette soirée par une interminable attente dans les services médicaux de l’Hôtel Dieu ou d’un quelconque autre hôpital. Tant pis pour toutes ces blessures, pour mes nombreuses ecchymoses. Et de toute façon, honnêtement, que pouvais-je attendre de cette consultation médicale ?
J’ai malgré ce que je considère comme des vices de forme flagrants, fini par signer la déposition. Il semblait satisfait. Je voulais rentrer chez moi…

Je voudrais, pour conclure ce court compte rendu, revenir sur des choses qui me semblent importantes et qui montrent à la fois l’inquiétante dérive des pratiques policières françaises d’aujourd’hui et la nécessité des mobilisations citoyennes indispensables pour contrecarrer l’arbitraire de l’Etat policier dans lequel on prétend nous enfermer, à l’heure où le Conseil Constitutionnel avalise les réformes Dati-Sarkozy – « peine de sûreté », démagogie populiste sur le « droit des victimes », mythe de la « tolérance zéro » (sauf pour le droit des affaires !) – et alors que l’on érige en modèle de « civilisation » une conception des plus réactionnaires et xénophobes de l’Etat (comme le montre notamment le « Ministère de la Honte » que dirige Hortefeux).
Pour revenir une dernière fois à mon cas, certes anecdotique et malheureusement trop banal : Ma compagne, enceinte de près de 5 mois, a été prévenue et s’est présentée au commissariat du 18eme vers 22h15, fort inquiète et ne comprenant pas les raisons de mon arrestation. Aucune explication ne lui a été donnée. Elle a demandé à attendre, assise et à l’intérieur du commissariat, ma sortie de cet arbitraire policier kafkaïen. On l’a méchamment éconduite, l’insultant même, lui demandant d’attendre, dehors, en pleine nuit et dans le froid, en toute connaissance de son état et malgré ses protestations légitimes.

Les rafles se multiplient dans notre pays. Arrêtons enfin d’avoir peur d’employer ce mot qui définit justement les opérations policières en œuvre aujourd’hui. Des commissions rogatoires sont fournies aux policiers par des juges d’instruction complaisants sous des motifs fallacieux pour permettre une véritable chasse aux « sans papiers » (l’exemple le plus mémorable reste la rafle du foyer AFTAM du XIIIe, le mois dernier).
Par ailleurs, et comme j’ai pu le constater à mes dépens, la brigade des stupéfiants est intervenu mardi soir, raflant brutalement de nombreux jeunes du quartier de la Goutte d’or pour finalement les relâcher au bout de quelques dizaines de minutes, faute d’éléments probants : rien ne justifie un tel déploiement policier et cette série d’arrestations et de vexations inutiles, privant des citoyens pendant un temps, aussi court soit-il, de leur liberté, pour répondre aux attentes d’une poignée d’électeurs tentés par les discours les plus nauséeux de la droite la plus abjecte.

Il n’est jamais inutile, et je vais le faire maintenant, de rappeler les violences policières dont sont victimes tous les jours les personnes enfermées dans des camps, aux périphéries de nos villes, alors qu’elles n’ont commis aucun délit ni crime, uniquement parce que l’Etat qui se prétend nous représenter, rechigne à leur fournir des titres de séjour et des papiers qui leur permettraient de vivre et de travailler dignement à nos côtés et bien souvent aux côtés de leurs conjoint(e)s, de leurs femmes, maris ou enfants français. Ceci d’autant plus que l’on sait, pour des raisons notamment démographiques, de nous sommes et seront de plus en plus amenés à solliciter la force de travail, la créativité et les capacités de nos sœurs et frères nés sous d’autres latitudes.

Enfin, je voudrais ici remercier tous les citoyens vigilants (ils étaient plus d’une cinquantaine) qui se sont mobilisés devant le commissariat du 18eme dans lequel Pierre, de nombreux jeunes du quartier et moi avons été injustement enfermés et qui nous ont fait entendre leur soutien alors que s’abattait sur nous l’injustice et l’arbitraire.
Aux cris de « libérez nos camarades ! », que nous entendions clairement remonter de la rue jusqu’aux fenêtres closes de cette forteresse absurde plantée en plein quartier populaire, ils nous ont fait savoir que, malgré tout, l’absurdité de la répression policière actuelle n’était pas une fatalité pour tous.
Malgré les nombreuses blessures qui m’ont été infligées par « les forces de l’ordre », malgré la pression constante à laquelle j’ai été soumis, plus de trois heures durant, à aucun moment je ne me suis senti seul face à l’arbitraire. Je tiens donc plus particulièrement à remercier les militants du 9eme Collectif, du Quotidien des Sans-Papiers, les militants des Verts du 18eme, également très réactifs, de LO, de la LCR, ainsi que tous les habitants du quartier et les autres personnes qui malgré le froid et l’heure tardive ont bruyamment fait part, devant le commissariat et plusieurs heures durant, de leur indignation devant ces pratiques policières et de leur soutien pour ceux qui en étaient, cette fois-ci, les victimes.

L’intervention policière pour ce que j’ai pu en apprendre :
Elle aurait été menée par la Brigade des stupéfiants, avec en renfort deux motards et les « ilotiers » du 18eme.
De nombreuses personnes, des jeunes du quartier ayant l’habitude de stationner en début de soirée au croisement de la rue Léon et de la rue de Panama ou fréquentant les bars et restaurant environnant, ont été arrêtées, sans que je n’ai pu en connaître le nombre exact. Dans le fourgon qui m’a emmené au commissariat du 18eme, huit personnes étaient présentes. Une personne aurait été retenue plus longtemps que les quatre heures de garde-à-vue autorisées pour un « simple contrôle d’identité ».
Les policiers ont gazé de nombreuses personnes qui se sont rassemblées pacifiquement pour observer le déroulement des arrestations : un enfant de 9 ans, présent sur les lieux avec son père, a échappé de justesse aux gaz lacrymogènes.
Branle-bas de combat chez poulagat ! Quelque temps après mon arrestation et mon arrivée dans le commissariat du 18eme, les policiers paniquent. Alors qu’ils parlent entre eux j’entends dire qu’ils auraient arrêté un élu… En fait, cette panique est consécutive à l’appel d’Olivier Reynal, des Verts du 18eme, à la préfecture. Au final aucun élu n’a été arrêté, malgré ce qu’ils ont cru.
L’AFP et une journaliste du Parisien ont été rapidement prévenus par des personnes du quartier. J’ai par la suite été contacté par la journaliste du Parisien qui m’a posé des questions, me disant qu’elle allait peut-être faire un article dans l’édition du jeudi 6 mars (l’article est bien paru dans l’édition du 6 mars du Parisien, illsutré par l’une de mes photos, sous le titre "L’interpellation des dealers tourne mal [on peut en voir une copie miniature en illustration de ce texte]".
Bruno


Ce texte a été mis en ligne sur le site Propaglande (http://iso.metric2.free.fr/www/spip.php/?article374). Son auteur a autorisé sa publication sur le site Regards Croisés.

jeudi 6 mars 2008

La Goutte chez les pandores... ou les risques du blogger (Paris)


Plus d'infos dans un prochain post tout en nuances. Expérience malgré tout fortement intéressante...




dimanche 2 mars 2008

Faut pas être surpris (Beyrouth)

A la demande générale de La Goutte, petits éclaircissements sur la politique libanaise actuelle et sur ses antécédents historiques dans la limite de mes connaissances récentes.

1- Les forces en présence
L’une des spécificité du Liban, outre ses paysages superbes et son patrimoine historique, c’est les différentes confessions représentées. On a par ordre d’importance dans la population les Musulmans, les Chrétiens et les Druzes.
Parmi les Musulmans, on a les sunnites et les chiites. Contrairement à ce que véhiculent certains médias, les sunnites ne sont pas les « gentils » bicots et les chiites ne sont pas les « méchants » terroristes. Al Quaïda est formée de sunnites. Ceux qui butent à tout va en Irak sont sunnites. Mais Zinédine Zidane est sunnite donc ça compense pour les Français. Ceux qui ont facilité la « libération » de l’Irak par les Américains sont chiites. Pour la différence entre les deux, demandez à La Goutte de mettre en ligne l’excellent cours que nous eûmes il y a 17 ans quand nous étions de jeunes et innocents lycéens.
Parmi les Chrétiens, je vais en oublier certainement, mais on a en gros les Maronites, les Grecs orthodoxes, les Catholiques et les Arméniens.
Les Druzes, quant à eux se réclament du vrai Islam et seraient une branche dissidente des chiites. Personne pas même eux ne comprend comment fonctionne leur religion.

La plupart des partis politiques sont affiliés à une religion, mais les trois grandes confessions représentées sont les sunnites, les chiites et les maronites.

Moustakbal: sunnite, parti de Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005. Son fils, Saad Hariri est un crétin qui ne comprend rien à rien. Il est un peu ce que Jean-Louis Debré est à son papa Michel. Les militants de ce parti sont armés ;
Forces Libanaises : chrétien, parti de Jaajaa qui est maronite, responsable avec Ariel Sharon du massacre de Sabra et Shatila et qui vient de passer 11 ans en prison à cause de massacres contre des libanais et non contre les palestiniens. Les militants de ce parti sont armés ;
Kataêb : chrétien, partie de Pierre et Amin Gémayel, ancienS présidentS. Les militants de ce parti sont armés ;
Tayyar Watani El Hor: chrétien, parti de Michel Aoun qui est maronite, chef des armées pendant la guerre civile. Aoun a combattu les Forces Libanaises et les Syriens pendant la guerre civile. Les militants de ce parti NE sont PAS armés ;
Hezbollah : chiite, parti d’Hassan Nasrallah. Mouvement crée en 1982 à la suite de l’invasion israélienne. Est devenu un parti politique en 2004-2005. Les militants de ce parti sont armés et ce sont eux qui étaient visés lors des bombardements israéliens de juillet 2006 dans le sud du Liban, dans la banlieue de Beyrouth et dans la plaine de la Bekaa ;
Haraket Amal: chiite. Parti de Nabih Berri actuel président du Parlement. Les militants de ce parti sont armés ;
Marada : chrétien. Les militants de ce parti sont armés ;
Un parti druze : parti de Walid Gounblat.

2- Les alliances
La majorité ou Coalition du 14 février, qui est composée de Moustakbal, des Forces Libanaises, des druzes, de députés de Kataêb et des députés n’étant affilié à aucun parti. Soutenu par l’Occident contre, essentiellement Michel Aoun et le Hezbollah.

L’opposition, qui est composée de Tayyar etc, du Hezbollah, de Marada, de Haraket Amal et de députés de Kataêb. Soutenu par personne à part le peuple libanais (d’après eux…).

3- La Constitution

Les élections législatives ont lieu tous les 4 ans. Les députés sont élus par circonscription en fonction de la confession majoritaire de leur région. En gros si un maronite vit dans une région majoritairement sunnite, il élira forcément un député sunnite. Pour la fonction publique, c’est pareil. Comme en France, il y a un certain nombre de postes ouverts, mais pas toujours pour chaque confession. Cette année, on veut 153 profs de maths. On aura 64 sunnites, 47 chiites, 23 maronites, 12 catholiques, 4 druzes, 2 grecs orthodoxes et 1 arménien.
Le président du Parlement doit être chiite.
De la majorité parlementaire sort un gouvernement dont le Premier Ministre doit être sunnite.
Le Parlement élit le Président de la République pour 6 ans. Le Président doit être maronite. Il doit être élu à la majorité absolue à l’unique condition que les trois quarts des parlementaires soient présents. Les coalisés de l’opposition boycottent le Parlement pour ne pas avoir à élire un Président qui ne serait pas Michel Aoun.

Cette constitution est un héritage des Français (années 40) et des Syriens (années 90).

4- Les traditions libanaises en matières de réjouissances
Aujourd’hui, vendredi 29 février, j’étais chez une tante de mon hôte et tout d’un coup, on entend des détonations. Un bombardement ? Non, Nabih Berri allait parler à la télé et ses partisans lançaient un feu d’artifice et tiraient au pistolet avec des balles traçantes dans la nuit beyrouthine. Une tradition dès qu’un responsable politique s’adresse à la Nation. Il y a 15 jours, Saad Hariri a fait un discours et il y a deux morts… « Mais les sunnites libanais sont des incapables » dixit mes hôtes chiites, en faveur de l’opposition.

C’est plus clair ?

A bientôt.

mercredi 27 février 2008

Real politik (Le Caire)

Après la journée d’hier et une entrée en matière pour le moins inattendue pour l’Européen qui vient au Liban pour la première fois, aujourd’hui a été une journée un peu plus classique. Déjà, l’aspect vacances : pas d’obligation autre que celle d’être au rendez-vous de 18h00 pour le dîner. Ensuite se confronter directement à la complexité et à la spécificité de la politique libanaise.
Ce matin, Elissar est venue me chercher à ma pension vers midi. Le but étant d’aller se promener dans le centre de Beyrouth et d’enchaîner sur une promenade sur la corniche, le tout agrémenter de gâteries libanaises (pas de mauvaises pensées…). Le centre de Beyrouth a été reconstruit après la guerre civile et ressemble au centre historique d’une quelconque ville d’Europe du Sud. On est loin de se croire au Moyen-Orient ou dans un pays arabe. Surtout quand on vient du Caire avec son fourmillement de types en djellaba, de poubelles polluantes à moteur, de chiens errants, de gamins déguenillés, ses amas d’ordures et la poussière omniprésente quelque soit le temps. Beyrouth est propre (il y a des poubelles un peu partout que les gens utilisent !), la circulation y est peu dense, les klaxonneurs impétueux y sont quasiment inexistants, son parc automobile ne tolère pas de voiture de plus de 20 ans, les magasins affichent les prix et ne semblent pas être ravitaillés par la contrefaçon chinoise, il y a des trottoirs et des passages pour piétons que les conducteurs respectent, une course en taxi ne commencent pas par de longues tractations pour négocier un prix et les commerçants ne se sentent pas obligés d’essayer de m’arnaquer malgré ma tête de français (même si certains prétendent que je pourrais passer pour un libanais. Je ne sais toujours pas comment je dois prendre ça…). Bref, à Beyrouth on peut trouver la douceur de vivre d’une cité méditerranéenne et une discipline saxonne pas complètement désagréable. Le seul aspect comique qui fait absolument clownesque est l’argent libanais. Les billets de banque sont grotesquement petits et colorés. On croirait payés en billets de Monopoly. Ça ne fait pas sérieux. Tout le monde accepte également le Dollar, du magasin de fringues au marchand de fruits et légumes au coin de la rue.1 Dollar vaut 1500 Livres Libanaises.

Au centre ville, avant de pénétrer la zone piétonne il y a un solide barrage de police qui contrôle les sacs des promeneurs. En effet dans ce quartier se trouve le Parlement libanais, épicentre des tensions qui secouent le pays depuis l’assassinat de Rafic Hariri, il y a trois ans et surtout depuis novembre, date à laquelle aurait dû être élu le Président de la République. En fait, on ne sent aucune tension, les rues sont quasiment vides, il n’y a pas l’ambiance de terrasse qu’on imagine. Quand on arrive près du Parlement, là on remarque quand même un truc qui ne va pas. Sur les parkings et les parvis qui font face à l’auguste demeure parlementaire, on voit des dizaines de tentes. Les Enfants de Don Quichotte protestent jusqu’au Liban ? Comme si Michel Aoun pouvait quelque chose pour les SDF français ! Qu’est-ce donc cela ? demandé-je à ma guide. Le cirque Grusse ? Presque. Il s’agit de militants de l’opposition qui font acte de présence pour bien faire comprendre à la majorité qu’ils sont là. Pour résumer, la majorité ce sont des musulmans sunnites (les harirites et leurs alliés chrétiens et chiites peu nombreux) et la minorité ce sont les chrétiens maronites proche de Michel Aoun (LE Général comme on l’appelle ici) et les chiites du Hezbollah. Ouille ! J’ai écrit Hezbollah, je suis sûr que je vais être lu par des officiers de la DST, de la DGSE, du Mossad, de la NSA, de la CIA, du FBI, du MI5, du MI6, du KGB. Alors bonjour à vous les gars qui n’ont rien d’autres à foutre que de lire le résumé de mes vacances libanaises, hello losers, shalom les shalalas, zdrastvouitsié tovaritchii.
On s’approche des tentes du Hezbollah (trois fois bordel !), mais les jeunes ne sont guère loquaces. On va alors vers une espèce d’accueil où trônent des drapeaux libanais, des posters à la gloire d’Hassan Nasrallah et d’Imad Moghniyé, des affiches électorales vantant l’unité du parti chiite avec les maronites d’Aoun. Quatre types tapent la discute en écoutant de la musique et en fumant le narguilé. Ils nous proposent de partager la chicha. J’explique qu’en fait, j’aimerais un peu mieux comprendre la politique libanaise qui pour un profane semble inextricable. Elissar me présente directement comme un communiste franco-espagnol. Le seul des types présents parlant un peu français se lance dans une envolée quasi lyrique sur Che Guevara, me précise qu’il adore Garaudy et que le Hezbollah (quatre fois !) n’a rien contre les juifs, mais est contre les sionistes (quid de la guerre ouverte ?) qui attaquent la souveraineté du Liban au sud. Une dernière taffe sur le narguilé et nous voilà partis chez les cousins d’en face, les aounistes. C’est tout de suite moins sympa. Notre interlocuteur se prend un peu trop au sérieux à mon goût quand, prenant un air d’intrigant, il me dit qu’il est tenu par le secret et que si je veux des informations je dois m’adresser aux attachés de presse du parti. Il me parle vaguement du Général. Non sans malice, je lui dis que pour moi, il n’y a qu’un seul Général : de Gaulle ! Quoiqu’il en soit, je pense qu’il a dû soupçonner du 007 en moi. Règle numéro 1 du bon espion : quand un gars te soupçonne d’être un agent, tu méprises et tu te barres. Ce que nous fîmes.

La suite de la journée se résume en un thé à une terrasse de la corniche, à une discussion sur la politique au Liban (on n’en sort jamais et putain c’est un sacré merdier !), un dîner des plus typique et des plus copieux et un dernier narguilé à la pomme. Demain tourisme classique dans des lieux touristiques.

A bientôt.

lundi 18 février 2008

Après le Kosovo, la Picardie proclame son indépendance (AFP)

Référendum picard : un oui franc et massif

Conscients de la disparition progressive de leur langue et de leurs coutumes, les Picards ont en effet décidé de prononcer un oui massif à la question référendaire qui leur était posée. Les mouvements nationalistes picards, enfin unifiés après la brillante participation de groupe phare "les fatals Picards" au concours de l'Eurovision, ont donc, et avec succès, convaincu leurs concitoyens que la seule voie possible pour la reconnaissance de leur culture était de se séparer de la France.

Le drapeau picard - une betterave borgne flanquée du
slogan "Par le petit bout de la lorgnette -, ressorti
des caves et des greniers après des années
d'oppression, a remplacé au fronton des mairies un
drapeau tricolore vécu trop longtemps comme un symbole
d’humiliation.


Maxime Gremetz en exil

A l'annonce du résultat, Maxime Gremtez, selon de
multiples témoins, se serait écrié : "Tito doit se
retourner dans sa tombe". Pourtant peu suspect de
tendresse pour le "Maréchal", l'édile aurait de
justesse échappé au lynchage par une foule hystérique.
Exfiltré par un hélicoptère de l'ambassade de Russie,
Maxime Gremetz serait, à l'heure de cette dépêche, en
résidence médicalisée dans la région de Sotchi. Le
Kremlin n’a pas confirmé l’information du journal « Le
courrier libre picard ».


Tension sur les marchés

A l’annonce du résultat, les déclarations du nouveau
leader picard, Jean-Pierre Pernaud, n’ont pas rassuré
les marchés financiers. Lors de son discours,
accompagné de celle que d’aucuns voient comme la
future première dame de la jeune nation picarde,
Elodie Gossuin, l’ancien présentateur de la première
chaîne française a en effet déclaré sa « volonté de
créer un nouvel OPEP de la betterave », provoquant une
chute sans précédent du cours des actions des
industries du sucre, qui ont perdu 48,53 pourcent de
leur valeur.

mercredi 13 février 2008

Front de libération de Chronik (Paris)

Message à tous les rédacteurs du blog : le roitelet de France (celui qui a annexé l'Italie via son model chanteuse siliconé et botoxé) s'offre une petite cure de moiteur en Guyane. Chronik est sur le coup et pourrait être enrôlé de force dans les "Sarko-troupes".
Je lance donc une pétition sur le blog pour obtenir la libération de Chronik (quoique... lorsqu'il oublie son sac dans la voiture de La Goutte et qu'il l'oblige à patienter en plein hiver devant une gare, on se dit qu'il mérite une punition appropriée)...
Après tout, il n'y a pas de raison. Il existe en effet des précédents célèbres :
- Le front de libération des nains de jardin (il vient de frapper un grand coup à Saint-Germer, dans l'Oise, en organisant l'évasion de 27 détenus).
- Et il y a eu aussi le front libération du nain de la place Beauveau (passé depuis à l'Elysée).
Il n'y a, malheureusement, que celui destiné à soutenir Ingrid Betancourt qui ne fonctionne pas.
Alors, ajoutez un petit commentaire pour venir au secours du scribouillard du Maroni. Aidez-le à devenir le "Papillon" de la presse d'Outre Mer.
A vot' bon coeur...

lundi 4 février 2008

Pourtant quelqu'un m'a dit... (Paris)



L’Elysée, samedi 2 février 2008, dans la matinée

Tout cela aura finalement duré assez peu de temps, quelques mois, avant que le programme ne perde en audience. Mais si le couperet s’abat sur les émissions de télé qui n’arrivent pas à trouver leur public, la sanction ne peut être la même en système dit démocratique, c’est ma chance. Le mauvais sitcom dans lequel je me suis engagé bénéficie heureusement de la protection du suffrage. Ce que les citoyens ont fait, eux seuls peuvent le défaire. Sauf lorsqu’il s’agit de me déplaire. Parce que sur un autre thème, le traité européen, je les avais bien prévenus qu’il n’était plus question de les consulter. Et un tour pendable de plus aux socialistes qu’oseront jamais afficher leurs divisions à quelques semaines d’un scrutin local décisif. Là-dessus je suis tranquille, ce ne sont pas les trois énervés de la gauche de la gauche, les éternels râleurs ramenés aujourd’hui à la portion congrue, qui vont me mettre des bâtons dans les roues. Et puis ils ont eu Guy Môquet pour se faire entendre, c’est déjà pas mal, ça les a excités.

Le reste est quand même moins simple à y regarder de plus près. C’était le risque des dernières présidentielles. J’avais réussi à incarner l’homme providentiel. Fallait les entendre au café du commerce en mettre plein la gueule à la pourtant bien gironde Ségolène. J’ai remporté la finale, haut la main, mais je ne me sens pourtant pas encore sorti du loft. On m’épie de tous les cotés, on me filme sous tous les angles, je suis partout, mais les chiffres d’audience sont à la baisse. Je commence à penser que je me suis trompé.

J’étais certain qu’il avait disparu, mais voilà qu’il semble vouloir exister de nouveau, et dieu sait qu’il me fait peur. Je croyais que l’histoire avait pourtant condamné la notion, qu’il s’était transformé en une adjonction volatile de consommateurs hypnotisés. Or quelque chose semble se réveiller, une bête immonde, râleuse, contestatrice, qui traîne des pieds et refuse de me suivre sur mon pont d’Arcole à moi. Le peuple.

J’avais pourtant repris à mon compte les grosses ficelles inventées par Celui à qui je dois tout, mes analyses et ma stratégie. Entrepreneur de télé, de radio, homme de presse à ses heures, concepteur de méthodes éprouvées et approuvées par un audimat au constant beau fixe. Il m’avait offert semaine après semaine ce qui devait nourrir ma vision politique prophétique, celle qui devait emporter l’adhésion.

Il Lui suffisait simplement de séparer le bon grain de l’ivraie, les méchants, âpres au gain et sans scrupules, de leurs victimes, certes un peu naïves mais tellement touchantes, les cheveux gras et l’âme en dépression. Il était là le peuple, visible le vendredi soir, à nous raconter ses misères. Et Lui de s’emporter, de dénoncer, de harceler, de protéger en substance une poignée de minables essorée par la vie. Et les autres derrière l’écran de penser qu’il y aurait toujours, au bout du bout, une bonne âme pour panser leur plaie. La méthode avait le mérite de vouloir préserver le système des quelques individus malfaisants essayant de le dévoyer à leur profit. Pas question de pourchasser les héros de l’industrie délocalisante et de la finance spéculative, mais plutôt de poursuivre avec une caméra, et jusque dans leurs chiottes, les petits aigrefins tout aussi laids, médiocres et pathétiques que ceux qu’ils tourmentaient. Et de les dénoncer publiquement, la bave aux lèvres, à la vindicte populaire. Séance thérapeutique et collective de la désignation du mouton fiévreux qu’il fallait égorger pour préserver le reste du troupeau de la contagion. Et les panurges d’opiner du chef, tant que ça ne tombait pas sur eux, aux décisions du berger.

J’en avais usé et abusé. Aux gémonies le sans-papiers, le cheminot, le fonctionnaire, la racaille, le planqué, le chômeur, le malade, le barbare quoi, celui qui se refuse à marcher à la trique et, le moment venu, n’hésite pas à se comporter comme le plus odieux des Farc. Prise d’otage toute grève, tout blocage, tout grain de sable dans la machine. Et des millions de victimes suintantes dans leur RER surchargé, haineuses pour certaines, revendiquant leurs chaînes pour d’autres, ou tout bonnement muettement solidaires. Mais alors invisibles, les copains s’en chargeaient.

Ça avait fonctionné, sondages au zénith. La mayonnaise avait pris, et quand ça dévissait une bonne louche de show sentimental, occuper le terrain quoi qu’il en soit. À la baille la politique, on leur en foutrait du spectacle, des Grenelles en veux-tu en voilà, que tout semble changer pour que rien ne change, ou plutôt si, que ça soit de plus en plus confortable les miens, et que les autres morflent, cons qu’ils sont de s’être laissé berner par le gavage médiatique, seuls devant leur télé, émus d’être pris en compte enfin car eux-mêmes victimes. Des sans-papiers, des cheminots, des fonctionnaires, des planqués, des chômeurs, des malades, des barbares quoi qui sapaient les fondations d’une société dont eux, si tôt levés et suintants dans leurs RER surchargés étaient les bâtisseurs.

J’ai peur aujourd’hui, je pensais pourtant que j’avais fait le plus dur. Je les terrorisais, ils marchaient au pas, ils me devaient tant. Et quand ça renâclait, il me suffisait de gueuler, d’humilier, et ça rentrait dans l’ordre. Ils en avaient usé et abusé, autour de moi leur chef, autoritaire, injuste mais prophétique et génial, de la brosse à reluire, du coup de langue circulaire. Mais ils commencent à me regarder bizarrement, à parler dans mon dos, à dire que j’en fais trop, à prendre de la distance. Je sais qu’ils n’hésiteront pas à sortir les couteaux si je mets un genou à terre, si je ralentis. Même pas un an…

En fait ça a toujours été mon problème, et je n’ai pas su le régler. Ça part trop vite, c’est intense, mais j’arrive pas à canaliser, à faire durer, et au final je déçois. Comme je les ai haïes quand elles riaient. Certaines souriaient juste, voulaient me rassurer, mais ça me prenait, j’avais envie de mettre mes mains autour de leur cou et de serrer fort. C’est arrivé une fois, je l’aimais pourtant. Elle est partie, j’ai pas pu la retenir.

J’espère que cette fois…

- « Monsieur, voulez-vous prendre pour épouse… »