mercredi 27 février 2008

Real politik (Le Caire)

Après la journée d’hier et une entrée en matière pour le moins inattendue pour l’Européen qui vient au Liban pour la première fois, aujourd’hui a été une journée un peu plus classique. Déjà, l’aspect vacances : pas d’obligation autre que celle d’être au rendez-vous de 18h00 pour le dîner. Ensuite se confronter directement à la complexité et à la spécificité de la politique libanaise.
Ce matin, Elissar est venue me chercher à ma pension vers midi. Le but étant d’aller se promener dans le centre de Beyrouth et d’enchaîner sur une promenade sur la corniche, le tout agrémenter de gâteries libanaises (pas de mauvaises pensées…). Le centre de Beyrouth a été reconstruit après la guerre civile et ressemble au centre historique d’une quelconque ville d’Europe du Sud. On est loin de se croire au Moyen-Orient ou dans un pays arabe. Surtout quand on vient du Caire avec son fourmillement de types en djellaba, de poubelles polluantes à moteur, de chiens errants, de gamins déguenillés, ses amas d’ordures et la poussière omniprésente quelque soit le temps. Beyrouth est propre (il y a des poubelles un peu partout que les gens utilisent !), la circulation y est peu dense, les klaxonneurs impétueux y sont quasiment inexistants, son parc automobile ne tolère pas de voiture de plus de 20 ans, les magasins affichent les prix et ne semblent pas être ravitaillés par la contrefaçon chinoise, il y a des trottoirs et des passages pour piétons que les conducteurs respectent, une course en taxi ne commencent pas par de longues tractations pour négocier un prix et les commerçants ne se sentent pas obligés d’essayer de m’arnaquer malgré ma tête de français (même si certains prétendent que je pourrais passer pour un libanais. Je ne sais toujours pas comment je dois prendre ça…). Bref, à Beyrouth on peut trouver la douceur de vivre d’une cité méditerranéenne et une discipline saxonne pas complètement désagréable. Le seul aspect comique qui fait absolument clownesque est l’argent libanais. Les billets de banque sont grotesquement petits et colorés. On croirait payés en billets de Monopoly. Ça ne fait pas sérieux. Tout le monde accepte également le Dollar, du magasin de fringues au marchand de fruits et légumes au coin de la rue.1 Dollar vaut 1500 Livres Libanaises.

Au centre ville, avant de pénétrer la zone piétonne il y a un solide barrage de police qui contrôle les sacs des promeneurs. En effet dans ce quartier se trouve le Parlement libanais, épicentre des tensions qui secouent le pays depuis l’assassinat de Rafic Hariri, il y a trois ans et surtout depuis novembre, date à laquelle aurait dû être élu le Président de la République. En fait, on ne sent aucune tension, les rues sont quasiment vides, il n’y a pas l’ambiance de terrasse qu’on imagine. Quand on arrive près du Parlement, là on remarque quand même un truc qui ne va pas. Sur les parkings et les parvis qui font face à l’auguste demeure parlementaire, on voit des dizaines de tentes. Les Enfants de Don Quichotte protestent jusqu’au Liban ? Comme si Michel Aoun pouvait quelque chose pour les SDF français ! Qu’est-ce donc cela ? demandé-je à ma guide. Le cirque Grusse ? Presque. Il s’agit de militants de l’opposition qui font acte de présence pour bien faire comprendre à la majorité qu’ils sont là. Pour résumer, la majorité ce sont des musulmans sunnites (les harirites et leurs alliés chrétiens et chiites peu nombreux) et la minorité ce sont les chrétiens maronites proche de Michel Aoun (LE Général comme on l’appelle ici) et les chiites du Hezbollah. Ouille ! J’ai écrit Hezbollah, je suis sûr que je vais être lu par des officiers de la DST, de la DGSE, du Mossad, de la NSA, de la CIA, du FBI, du MI5, du MI6, du KGB. Alors bonjour à vous les gars qui n’ont rien d’autres à foutre que de lire le résumé de mes vacances libanaises, hello losers, shalom les shalalas, zdrastvouitsié tovaritchii.
On s’approche des tentes du Hezbollah (trois fois bordel !), mais les jeunes ne sont guère loquaces. On va alors vers une espèce d’accueil où trônent des drapeaux libanais, des posters à la gloire d’Hassan Nasrallah et d’Imad Moghniyé, des affiches électorales vantant l’unité du parti chiite avec les maronites d’Aoun. Quatre types tapent la discute en écoutant de la musique et en fumant le narguilé. Ils nous proposent de partager la chicha. J’explique qu’en fait, j’aimerais un peu mieux comprendre la politique libanaise qui pour un profane semble inextricable. Elissar me présente directement comme un communiste franco-espagnol. Le seul des types présents parlant un peu français se lance dans une envolée quasi lyrique sur Che Guevara, me précise qu’il adore Garaudy et que le Hezbollah (quatre fois !) n’a rien contre les juifs, mais est contre les sionistes (quid de la guerre ouverte ?) qui attaquent la souveraineté du Liban au sud. Une dernière taffe sur le narguilé et nous voilà partis chez les cousins d’en face, les aounistes. C’est tout de suite moins sympa. Notre interlocuteur se prend un peu trop au sérieux à mon goût quand, prenant un air d’intrigant, il me dit qu’il est tenu par le secret et que si je veux des informations je dois m’adresser aux attachés de presse du parti. Il me parle vaguement du Général. Non sans malice, je lui dis que pour moi, il n’y a qu’un seul Général : de Gaulle ! Quoiqu’il en soit, je pense qu’il a dû soupçonner du 007 en moi. Règle numéro 1 du bon espion : quand un gars te soupçonne d’être un agent, tu méprises et tu te barres. Ce que nous fîmes.

La suite de la journée se résume en un thé à une terrasse de la corniche, à une discussion sur la politique au Liban (on n’en sort jamais et putain c’est un sacré merdier !), un dîner des plus typique et des plus copieux et un dernier narguilé à la pomme. Demain tourisme classique dans des lieux touristiques.

A bientôt.

2 commentaires:

Chronik a dit…

Mépriser et se barrer... M'enfin, n'es-tu pas au courant de la nouvelle tendance française en matière d'élégance et de raffinement rhétorique ? Quand quelqu'un te soupçonne de quoi que ce soit, ou ne désire tout simplement pas t'adresser la parole, tu rétorques "casse-toi, pauv'con". C'est d'ailleurs comme ça que se font piquer la plupart des agents français depuis quelques jours, obligés qu'ils sont d'appliquer les instructions venant d'en haut...

La Goutte a dit…

Excellent d'avoir enfin quelques nouvelles. Texte bien chiadé ma foi, content de savoir que tu découvres le Liban. Pourrais-tu produire, lorsque tu auras compris les subtilités de la situation politique, un petit texte explicatif sur la constitution libanaise?