mardi 28 octobre 2008

Des Vampires qui réclament eau et électricité

Les Vampires. Drôle de nom pour un quartier. C'est le petit pont de bois qui permet de franchir la crique, au beau milieu de la piste (immense arc de cercle vallonné qui conduit du lycée 2 au collège Albert Londres), qui a donné son nom à l'endroit. Ou plutôt les centaines de chauve-souris qui avaient pris leurs quartiers sous la charpente. Du pont des Vampires est donc née la piste du même nom, devenue depuis un quartier de Saint-Laurent du Maroni. Un quartier qui reste toutefois un peu particulier. Car ses habitants, qui ont envahi année après année les deux côtés de la piste (souvent après avoir fui la guerre civile au Suriname, au milieu des années 80), continuent d'y vivre sans eau ni électricité. Evidemment, les terrains sur lesquels ils ont construit leur maison appartiennent à l'Etat. Mais, avant eux, comme ils le répètent à l'envi, cette zone de la ville n'était qu'un espace boisé inoccupé. Alors quelle que soit l'appellation - squat, quartier - il n'en demeure pas moins que de nombreuses familles sont désormais bien implantées. Et réclament avec insistance des structures similaires à celles des autres secteurs de la ville.
Assis sur un fauteuil élimé de sa petite maison de bois, Arjan Aloeboetoe explique qu'il vit là depuis sept ans. Ses enfants sont scolarisés, et il travaille comme chauffeur dans une société de transport. De son propre aveu, il ne sait plus quel moyen employer pour obtenir ce qu'il veut : l'eau l'électricité, un titre de propriété. "On ne fait rien pour nous, regrette-t-il. On se pose des questions, on se demande ce qu'on peut faire. On nous promet des choses mais rien ne se passe. On n'a plus confiance. Si on avait demandé quelque chose qui n'est pas à Saint-Laurent, je comprendrais. Mais les câbles sont là. Et quand on demande à devenir propriétaire, on nous le refuse." Assis en face de lui, Rinado Tergie formule les mêmes doléances. "Il y a environ 150 demandes d'électrification, et on nous a indiqué qu'un budget de 300 000 euros était débloqué, assure-t-il. Mais on attend toujours. Et pour l'eau c'est pareil. C'est comme si on nous laissait de côté. Comme si on ne faisait pas partie de Saint-Laurent." Arjan Aloeboetoe renchérit : "On entend dire qu'on ne payera pas nos factures. Mais on s'éclaire avec des groupes électrogènes qui coûtent cher. Si on nous met l'électricité, on sait que ça ne sera pas gratuit ! Et on est prêt à payer. D'accord, il y a la ZAC Saint-Maurice (Zone d'aménagement concertée, qui vise à aménager une vaste zone de la commune et qui englobe notamment les Vampires), mais nous on a besoin d'électricité aujourd'hui."
Pour l'heure, l'électricité est donc fourni par des groupes électrogène. Quant à l'eau, les habitants la récupère dans des cuves après la pluie, ou s'en procure à la crique surmontée du fameux pont des Vampires. Une situation des plus précaires. Particulièrement en saison sèche, quand le point d'eau diminue à vue d'œil. Si les résidents avouent leur sentiment d'abandon, leur situation est néanmoins connue des autorités.
Marie-Anne Montéléone est attachée territoriale à la Communauté des communes de l'Ouest guyanais (CCOG), chargée de la fiscalité, de la gestion du foncier des communes et du patrimoine de la CCOG. Elle parcourt tous les quartiers de l'Ouest depuis plus de dix ans, transmet ses rapports aux autorités, aide souvent des habitants à monter des dossiers. "C'est le cas actuellement dans les quartiers de Vietnam et Djakata à Saint-Laurent", souligne-t-elle. Par conséquent, Vampires, elle connaît parfaitement.
"Il n'y a rien, lance-t-elle. Personne ne s'occupe du gros squat. Il ne s'étendra pas, puisque la zone est limitée par la crique. Mais physiquement ils arrivent à saturation. En attendant il y encore des construction en cours." Quant à la situation administrative des familles, elle ne facilite pas les choses. "Même pas la moitié de la population est en situation régulière, explique-t-elle. Mais les enfants sont scolarisés, et beaucoup sont nés sur le territoire français." Lorsqu'il est précisé que pour que l'Etat accorde une cession de terrain, le demandeur doit être soit français soit détenteur d'une carte de résident de dix ans, il devient plus simple de comprendre les difficultés de certains habitants à obtenir un titre de propriété. Néanmoins, il en existe. "Une dizaine de personnes, affirme Marie-Anne Montéléone. Et le long de la route goudronnée à Sables Blancs (juste avant la piste des Vampires) d'autres doivent bénéficier d'une cession cette année. Mais ils sont là depuis longtemps."
Si la situation de Vampires comporte des particularités, il ne s'agit pas du seul secteur de Saint-Laurent dans lequel la population vit de façon précaire. Djakata, Vietnam, Paul Isnard, Bois Canon, tous abritent leur spécifités. Et leurs contradictions. Comme le fait d'imposer certains occupants qui, de fait, n'ont pas le droit d'être installés sur le terrain qu'ils occupent.

1 commentaire:

Bourbon a dit…

Papier très intéressant !