mercredi 30 janvier 2008

La frontière des nantis (Guyane)

En parcourant une carte, vous remarquerez sans difficulté les deux frontières qui séparent la Guyane du Brésil, à l'Est, et du Surinam, à l'Ouest. Rien de plus simple, puisqu'il s'agit dans les deux cas d'un fleuve. L'Oyapock d'un côté, le Maroni de l'autre. Pourtant, il est une frontière qu'aucun observateur ne sera en mesure de distinguer sur un document officiel. Une frontière qui peut, selon les versions, être qualifiée d'étatique, de spatiale, d'économique. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une frontière de nantis. Certes, les partisans de cette nouvelle ligne de contrôle militarisée arguent de son utilité afin de juguler la criminalité, lutter efficacement contre les trafics interlopes, les allers et venues des populations clandestines, etc. Mais la véritable question, et le lourd problème qu'elle soulève, est la suivante : est-il acceptable d'installer un poste frontière en plein milieu d'un département français ? En Guyane, les autorités ont préféré écarter l'aspect quelque peu anti-républicain d'une telle mesure. Depuis près de deux ans, un barrage de gendarmerie est dressé sur le pont de la commune d'Iracoubo.
Pour se rendre dans l’Ouest guyanais, Iracoubo est un passage obligé. Créé au XIXème siècle, elle est célèbre pour son église, classée aux monuments historiques depuis 1978 grâce à ses fresques peintes au pochoir par le bagnard Huguet, alors assigné à résidence auprès du Père Raffray. Située à plus ou moins égale distance de Kourou et Saint-Laurent, Iracoubo a désormais acquis le statut de poste frontière.
Pour le franchir, il faut bien entendu montrer, non pas patte blanche, mais presque. Une pièce d'identité, un titre de séjour, peu importe. Tout cela de manière systématique alors que, pour mémoire, l'automobiliste et ses passagers ne font rien d'autre que parcourir la distance qui sépare deux villes d'un même département. Les contrôles s'effectuent avec zèle. A tout le moins dans le sens Saint-Laurent - Kourou. Car, dans l'autre direction, la vigilance des pandores à mitraillettes décroît ostensiblement. De fait, des bus remplis de voyageurs arrivant de Cayenne ont, la plupart du temps, droit à un simple geste de la main les invitant à circuler. En revanche, pas question de franchir le barrage vers Kourou et Cayenne sans sortir une quelconque pièce d'identité. Etranges pratiques sécuritaires. Mais dont l'efficacité se révèle, manifestement et à en croire le procureur de la République, redoutable.
En effet, la délinquance de voie publique et la criminalité ont baissé de manière significative depuis la mise en place du barrage. Dans tout le département. Sauf dans l'Ouest, bizarrement. Saint-Laurent est la seule ville de Guyane dans laquelle le taux de criminalité a augmenté entre 2006 et 2007. Depuis le mois de décembre, une impressionnante vague de cambriolages nocturnes submerge la commune. Mais aucun des 70 fonctionnaires de la Paf (police des airs et des frontières) ne patrouille la nuit. Et seuls deux fourgonnettes de la gendarmerie se relaient, à la nuit tombée, pour sillonner les rues. La journée, en revanche, contrôles d'identité, procès-verbaux pour délits routiers se multiplient. Mais il faut bien avouer qu'interpeller des malfrats sans envergures ne rapporte pas grand-chose à l'Etat...
Et peu importe, puisque la frontière a été déplacée à 100 kilomètres de là. Pour que les techniciens du centre spatial puissent dormir tranquilles, et que Cayenne conserve son hégémonie économique. Car il va sans dire que les vols à répétition dans les dépôts des magasins, les braquages et les cambriolages des professionnels et des particuliers n'incitent pas les entreprises à tenter l'aventure dans l'Ouest. Le cercle vicieux est donc institutionnalisé.
Pas de société, pas de travail. Comment subsister ? Dans une ville de près de 40 000 habitants dont 50% ont moins de 25 ans, les perspectives d'avenir et de réussite sont minces pour les plus jeunes. Question d'une amie à ses élèves la semaine dernière : que voulez-vous faire plus tard ? Réponse d'un écolier : "Pompier." Rire de ses camarades. Une fillette, hilare, réplique dans la seconde : "Mais non, pour avoir de l'argent, faut faire de la musique, ou être gangster." Une classe de CM2... Et vive la République...

vendredi 11 janvier 2008

Cochon qui s'en dédit (Le Caire)

Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis à travers le Département d'Etat et la famille Bush ont une énorme épine dans le pied à cause de leur relation avec l'Arabie Saoudite en général et la famille d'Oussama en particulier. Et bien les Saoudiens, ils ont réussi à semer un semblant de zizanie en Egypte aussi.
Les dates du calendrier musulman ne sont pas fixes puisqu'elles varient en fonction du calendrier lunaire. Ainsi le début et la fin du Ramadan, le Grand Aïd, l'Hégire et l'anniversaire du prophète (entre autres. Et puis ce sont des dates pour lesquelles j'ai des congés) sont calculés par des savants qui se trouvent quelque part en Arabie Saoudite. Alors pour la fin du Ramadan comme pour le Grand Aïd, nous étions dans l'attente d'information venant de l'autre côté de la mer Rouge. On s'attendait au Grand Aïd le 19 décembre. Il est tombé le 18. Et un jour de vacances gagné, un !
L'Hégire devait alors tomber le 10 janvier. De fait, le Ministère de l'Education égyptien avait décidé de commencer des tests nationaux auxquels sont inscrits tous les élèves (même les miens) le 9 janvier. Mais les Saoudiens, ces fauteurs de trouble, ces empêcheurs de tester en rond ont encore créer la surprise la veille. "Oui, bah en fait non, on a mal calculer not' coup, l'Hégire ça tombe le 9 janvier du calendrier chrétien. Na ! ". Alors on demande à notre directeur c'est quoi ce merdier. Mercredi on bosse ou pas ? Si on bosse mercredi, doit-on bosser jeudi ? "L'Arabie Saoudite a dit que c'était le 9. On attend des nouvelles du Ministère de l'Education."
Branle-bas de combat. Que faire ? Suivre scrupuleusement le calendrier religieux et oublier les examens ou bien on se souvient que Nasser n'était pas hyper religieux. Ouf. L'éducatif a pris le pli sur le religieux. Les seuls blaireaux qui ont travaillé le 9 janvier en Egypte étaient les profs et les personnels des écoles. En revanche, on a commencé le week-end mercredi soir.

A bientôt.