mercredi 21 mai 2008

Vieille école, vieilles méthodes (Guyane)

Depuis un mois les manifestations se succèdent dans le département. Enseignants, lycéens, collégiens et parents d'élèves forment les cortèges. Les plus obstinés viennent de l'Ouest. Saint-Laurent du Maroni, Mana (Nord-Ouest, à quelques dizaines de kilomètres de l'embouchure du Maroni), Apatou (la première "grande" commune en aval du Maroni) se regroupent afin de défiler dans les rues de la sous-préfecture. En cause, bien évidemment, la réforme annoncée de l'Education nationale. Suppression de postes, dégraissement. Une mesure qui peut sans doute être appliquée sans conséquences immédiates dans l'Hexagone. En Guyane, en revanche, le projet gouvernemental confine à l'ubuesque. A l'Assemblée nationale, la semaine dernière, la députée de la deuxième circonscription de Guyane, Chantal Berthelot, interpelle Xavier Darcos. Une collaboratrice du ministre récite au micro une belle et longue réponse condescendante, expliquant que le gouvernement à toujours répondu, depuis les émeutes étudiantes qui avaient agité Cayenne en 1996 (seule la venue de Bayrou et l'annonce de la création d'un rectorat - en 1996 ! - avaient mis fin au conflit), aux besoins de l'éducation en Guyane. Etonnant. Surtout quand on connaît le pourcentage invraisemblable d'enseignants contractuels (près de 25%, si je ne me trompe), et les conditions dans lesquelles travaille ce beau monde. Un contractuel, rappelons qu'il s'agit d'une personne qui N'A PAS DE DIPLÔME pour enseigner. Il existe donc d'excellentes pioches, et des brêles de haut vol. La loterie éducative. Et les établissements travaillent sans filet. Un prof malade, absent, tire-au-flanc, et c'est le vide intégral. Parce que trouver un remplaçant relève de l'impossible. Résultat, au lycée Bertène Juminer de Saint-Laurent, pour exemple, certains élèves de 1ère n'ont pas eu de cours de français pendant plus de quatre mois. Dans quelques semaines, ils devront quand même passer leur épreuve du bac. Sans bagage. Avec la réforme, ce sont des options qui sautent, purement et simplement. La filière théâtrale disparaît, certaines classes n'auront plus de cours de sport, etc. Et des heures supplémentaires en pagaille à assurer pour les enseignants. Alors, certes, quand la semaine se résume à 18 heures de cours, préparer quelques sessions de plus ne paraît pas insurmontable. A moins d'être une crasseuse faignasse. Mais le problème ne se pose pas exactement en ces termes.
Hier, les professeurs venus de toute la Guyane afin de manifester devant le rectorat de Cayenne ont eu droit à une visite relativement musclée des forces de l'ordre. Et quand l'Etat fait charger - et gazer - les dépositaires de l'instruction par ses forces armées, il convient de s'interroger sur son évolution et son fonctionnement politique.

http://www.dailymotion.com/video/x5hxxg_le-dialogue-vu-par-le-rectorat20-ma_news

Et que dire du nouveau recteur (nommé une poignée de semaines après les élections municipales) qui, cloîtré dans son bureau, refuse catégoriquement de s'entretenir avec les enseignants ? Rien, ou presque. Le symbole s'avère suffisamment parlant. Aujourd'hui, demain, les manifestations se poursuivent.

5 commentaires:

Anonyme a dit…
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Sebas a dit…

Les contractuels ne sont pas des brêles forcement.
Néanmoins on a bien une France a plusieurs vitesses : les banlieues populaires, les DOM, les TOM, les banlieues riches, les centres villes bourgeois etc.
Avec une petite préférence pour ceux qui en ont le moins besoin...
Ceci dit, dans le privé égyptien ce n'est pas mieux...

Chronik a dit…

Je me suis bien appliqué à faire la nuance, p'tit bonhomme. Et pourtant, v'là-t-y pas qu'il prend la mouche Rodrigo ! Honnêtement, je ne pense qu'il soit possible de comparer le niveau des contractuels qui écument les établissement français de l'étranger, et ceux qui officient en Guyane. Si ça peut te rassurer...

Sebas a dit…

M'ouais...
Y'aurait du boulot alors en Guyane...

Chronik a dit…

Y'en a...