samedi 15 mars 2008

La Goutte chez les pandores... ou les risques du blogger (suite et fin) (Paris)



Avant d’entrer dans le détail de mon expérience au commissariat de la Goutte d’Or, un petit mot sur Bruno. Bruno anime le site Propaglande sur lequel je vous conseille d’aller vous perdre. Mine d’informations sur l’Afrique et sur la situation des sans-papiers en France notamment. Bruno a repris le flambeau du combat de son père, Jean-Paul Gouteux, qui s’est entièrement investi, au sein de l’association Survie , dans la dénonciation de l’implication de la France dans le drame rwandais. En première ligne du combat pour la mémoire, Jean-Paul Gouteux est mort en 2006. Ses livres avaient ému le journal Le Monde qu’il dénonçait pour son traitement du génocide. Le quotidien l’avait poursuivi à deux reprises. Le mur du silence sur cet épisode tragique de l’histoire du continent africain ne pourra jamais totalement s’édifier tant que des hommes et des femmes se battrons pour la vérité. À lire, La nuit rwandaise , que l’on peut commander par le biais de Propaglande, ainsi que les ouvrages de François-Xavier Verschave , lui aussi disparu, inlassable pourfendeur de la « Françafrique ». Bruno s’inscrit dans cette filiation, en animant La télé des sans-papiers et le journal Le quotidien des sans-papiers . Et cela se passe notamment rue Léon, en plein quartier de La Goutte d’Or, où la notion de citoyenneté n’est pas encore complètement vidée de son sens.

Je me trouve donc ce soir-là au café "Les 3 frères" - dont Chronik est maintenant un habitué - regardant d’un œil distrait le club de Lyon se faire étriller et abdiquer toute chance d’inscrire son nom au palmarès de la coupe d’Europe des clubs champions. Vanessa m’accompagne. Fumeuse invétérée, elle m’enjoint de la suivre hors des murs rassurants du bistrot pour nous rendre sur l’inquiétant trottoir inhaler quelque fumée nicotinique. Nous prenons donc place, imitant la pose de celles qui vendent leurs charmes, et dissertons tranquillement sur Suez et Panama. Sur notre droite, à un mètre, quelques jeunes porteurs de mur à l’allure patibulaire, mais presque. Lorsque surgit à contresens de la rue Léon et en grande trombe une camionnette estampillée Police nationale. Et dans la seconde qui suit une cavalerie digne des meilleurs westerns, le clairon en moins. Des motos et voitures qui pilent devant nous s’extraient plusieurs dizaines de policiers, les uns en uniforme, les autres en civil, certains ayant omis de se munir du brassard réglementaire indiquant au quidam distrait leur qualité de représentant de l’ordre. Ni une ni deux, la totalité des jeunes se retrouve dignement menottée. Pas un geste d’opposition, c’est la stupeur et la surprise qui dominent.

À une trentaine de mètres, la situation s’envenime. Des cris s’élèvent, une interpellation semble provoquer quelques réactions. Et dans le sillage des pandores, des flashs crépitent, un photographe mitraille la scène. Je décide alors à mon tour de prendre quelques clichés, saisis mon appareil malgré les conseils avisés de Vanessa. L’opération n’aura duré qu’un instant, parfaitement huilée. "L 627" en substance – illicite il va sans dire.

Mais mon initiative ne semble pas plaire à un flic en civil qui m’intime l’ordre de ranger mon appareil. Ce que je refuse, considérant à juste titre que je suis dans mon droit. On m’embarque donc, et je rejoins la camionnette. Pas de pinces pour m’entraver, je pense à ce moment à un simple contrôle d’identité. Après la fouille, je prends place au côté d’un grand métisse aux dread locks, Bruno, menotté dans le dos, qui s’indigne de la brutalité avec laquelle il a été interpellé. Je décide quant à moi de garder le silence, indiquant simplement au policier qui brandit comme justification de mon arrestation une violation du droit à l’image que ce droit ne peut être invoqué que dans le cadre de la publication des photos, et que les prendre sur la voie publique n’est en aucune manière délictuel. Dialogue de sourds, bien entendu.

Bruno a décrit dans le détail la suite des évènements, je n’y reviendrai donc pas. Les jeunes nous rejoignent dans l’estafette, sans un mot, la tête baissée. Dehors, la tension monte. Des clients des cafés alentour, j’en connais quelques-uns, protestent. Il y avait ce soir-là des réunions de la LCR et des Verts. Une odeur de poivre soudain, ceux qui ont osé réagir à notre interpellation ont reçu semble-t-il une bonne giclée de gaz lacrymogène. La situation se tend, Momo au loin me demande comment l’on peut me joindre, je lui indique que Vanessa a mes coordonnées. La camionnette finit par démarrer, direction l’hospitalier commissariat de La Goutte d’Or. L’on nous fait asseoir, quelques gestes vifs, et nous nous retrouvons Bruno et moi sur le banc de bois qui jouxte les locaux de l’accueil. Ceux qui étaient visés par l’opération sont promptement dirigés vers d’autres lieux. Une longue soirée s’annonce.
Bruno est bientôt emmené pour son audition, je reste donc à patienter dans cette glauque atmosphère, accompagné parfois d’un flic qui me surveille, parfois complètement seul. Je prends mon parti de la situation et décide d’en profiter pour m’informer. Déjà se dessine mon prochain post sur Regards croisés.

Allées et venues, les équipes s’entrecroisent, se saluent, se chambrent virilement. En uniforme ou sans, différents services cohabitent au sein des mêmes locaux. Un panneau manuscrit indique sur une porte, en face de moi, « interdit à la Bac ». Une hiérarchie induite par les comportements se dessine. Tout en bas les bleus, qui patrouillent dans les rues, s’abattent parfois sur les vendeurs à la sauvette (voir le post "Poulets taquins") et quadrillent le secteur. Puis ceux de la Bac, qui agissent en civil. Plus haut, la brigade des stups, initiatrice de l’opération qui devait viser les dealers de la rue Léon. Car sur le quartier s’est abattu le fléau de la drogue la plus sordide, le crack, qui décime ses victimes édentées. De cela, j’en suis le témoin tous les jours. Loin de moi d’en nier la réalité, le produit et ceux qui le diffusent ne sont que pourriture.

J’entame la conversation avec un flic en civil, qui invoque une nouvelle fois le droit à l’image pour justifier ma présence à ses côtés. Je lui rappelle Villiers-le-Bel. On poursuit sur l’ambiance du quartier. Je reconnais la nécessité de l’action de la police, mais m’accorde le droit de remettre en cause certaines de ses pratiques dans le contexte actuel de traque aux sans-papiers. Moi-même fonctionnaire, je milite pour une police républicaine et m’autorise à prendre des photos lors des interpellations pour dénoncer, le cas échéant, les dérives que je constate au quotidien. D’autres se joignent à nous. A la nuance de mon premier interlocuteur succède la virulence de l’un de ses collègue. Il m’annonce qu’un jour ils se feront justice eux-mêmes, sans ordre de leur hiérarchie, illustrant bien malgré lui la justesse de mes propos.
Je vole aussi, quelques bribes de conversations. Ca dénonce le gauchisme rampant dans le quartier (« Les gauchos au goulag »), ça se targue d’avoir gazé les bobos, ça parle plus simplement des vacances qui se profilent, du dernier film téléchargé ("Rambo 4" en l’occurrence), ça dragouille un peu aussi. On tient à me présenter un flic d’origine maghrébine pour me prouver grassement que l’institution n’est pas raciste. Charmante initiative qui finit bien-entendu par me convaincre du bien-fondé de mon arrestation.

Retour au calme, l’entourage s’est dispersé, mais une clameur s’élève bientôt de l’extérieur. J’entends monter un slogan repris en chœur par quelques dizaines de manifestants – selon la police - : « Libérez nos camarades ». Un rassemblement spontané devant le commissariat dénonce notre arrestation et exige que l’on mette fin à la mascarade. Branle-bas de combat, exaspération manifeste. Une rumeur enfle alors, se propage : un élu aurait été arrêté. On vient prendre une nouvelle fois mon identité. La blancheur de ma peau et la nuance de mes propos militeraient en faveur de ma qualité d’élu, mais la question ne m’est pas posée directement. Certains s’inquiètent de voir Daniel Vaillant, maire de l’arrondissement et ancien ministre de l’Intérieur, se joindre à la manifestation.

Un membre de la Bac, témoin des conversations que j’avais pu avoir avec certain de ses collègues, me propose de le rejoindre à lui pour fumer une cigarette. Il me tend son paquet, mais je repousse son offre, j’ai en poche mes propres Malboros rouges. Je le sens un peu vexé par mon refus, mais la conversation s’engage. Entré à 20 ans dans la police par conviction, il vit aussi mal que moi l’acharnement à l’égard des sans-papiers, et considère la politique suivie comme honteusement hypocrite ; derrière la façade d’une politique ferme à l’égard de l’immigration clandestine se cachent des intérêts économiques puissants qui encouragent la venue d’une population corvéable et malléable. Et que cette chasse au faciès permanente handicape le vrai travail de la police. Je lui indique partager son analyse lorsque vient me chercher un flic en civil.

L’heure de mon audition est venue, il me demande de le suivre au 5ème étage du commissariat, réservé à la brigade des stups. Je lui emboîte le pas vers son bureau, qu’il partage avec deux collègues. Aux murs, une affiche de "À bout de souffle" et un gigantesque poster de Bob Marley, des autocollants sur son casier, de la LCR notamment. Je m’installe en face de lui, il me propose un café. Blond, proche de la quarantaine, le muscle saillant se dessinant sous le tee-shirt, il semble sortir tout droit d’un polar d’Olivier Marchal. La discussion qui suit est cordiale, le jeu des questions-réponses est agrémenté par toutes sortes de digressions sur le métier qu’il exerce, sur les raisons qui m’ont poussé à refuser de ranger mon appareil et à prendre des photos de l’opération. Bien que justifiant mon interpellation, il semble néanmoins la considérer somme abusive et comprendre mes motivations.

L’heure tardive n’a pas démobilisé le rassemblement spontané dont les slogans nous arrivent distinctement. J’entends une altercation verbale entre un riverain et une manifestante. Je reconnais la voix de Vanessa, qui affirme qu’elle aussi doit se lever le lendemain – ce qui n’est pas complètement exact puisqu’elle ne travaillait que l’après-midi. Et de m’entendre dire, comme une confidence par mon interlocuteur, que bien que gêné dans son travail par ce type de réactions citoyennes, il se doit d’en reconnaître le caractère émouvant. Notre tête-à-tête est interrompu à plusieurs reprises par l’incursion de celui à qui je dois ma présence en ces lieux, et qui dirigeait l’opération du soir. Je le sens tourner autour du pot, me demandant à nouveau mon identité d’abord, promettant une sortie très proche, insinuant que si je suis élu de Paris autant le lui dire. J’essaie de lui faire comprendre que je ne le suis pas, et le répète à celui qui m’entend lorsque nous nous retrouvons seuls. Sur une dernière question concernant mes fonctions, je me dois de répondre que je travaille au Conseil général de la Seine-Saint-Denis. « J’aurais arrêté un conseiller général ? », voilà peut-être la question qui le tourmente alors que s’achève mon audition.

La rédaction du procès-verbal se conclut sur une ultime question : « Avez-vous pris des photos ? » J’y réponds par l’affirmative, et confirme que l’appareil est sur moi. À aucun moment on ne m’aura demandé de les visionner ni, à fortiori, de les effacer. J’avais, et mon interlocuteur le reconnaissait, tout à fait le droit de prendre des clichés de l’opération.

Le PV signé, je suis raccompagné jusqu’à la porte du commissariat par celui qui m’avait entendu. Dans l’ascenseur, je lui dis qu’il serait peut-être bon de libérer le chef d’opération, que j’avais aperçu quelques secondes plus tôt, en traversant le étage, pendu au téléphone, du poids de la culpabilité. Celui d’avoir arrêté un élu 5 jours avant les élections municipales. Il me fait alors comprendre que ça n’est que justice, et qu’il n’interviendra pas pour le rassurer.
En me quittant, il me tend une main que je lui serre sans cas de conscience. Je rejoins la petite troupe, toujours en station devant le commissariat. Il y a là Bruno, sorti quelques minutes auparavant, Vanessa, Fanfan, Denis, Manue, Olivier et de nombreux autres. Un père aussi, avec son jeune fils. Et Momo qui me tend un oignon, lancé depuis l’appartement d’un voisin ulcéré.

Dans les discussions qui suivent, je comprends qu’Olivier, élu Vert muni d’un numéro direct à la préfecture, avait appelé pour connaître les raisons de mon arrestation. Celui qui reçut l’appel avait dû comprendre, par un quiproquo plein de saveurs, que les pandores avaient arrêté un élu dans un contexte électoral peu propice. Et que cette arrestation deviendrait un argument politique, du pain béni pour dénoncer les méthodes policières… quinze jours après le spectacle très médiatique de Villiers-le-Bel.

La farce était d’autant plus belle que celui qui voulait savoir avant tant d’insistance qui j’étais, et qui a dû scruter avec attention l’ensemble des annuaires des conseils de Paris puis de Seine-Saint-Denis, était celui qui avait pris l’excellente initiative de nous faire arrêter. Et qui, pour couronner le tout, avait quelques minutes auparavant tourmenté Bruno lors de son audition. Tel est pris celui qui croyait prendre…

À la réflexion, certaines choses paraissent surprenantes. Ce déploiement policier d’abord, pour arrêter quelques jeunes, parfaitement connus des services de police, finalement relachés quelques minutes après leur interpellation. La présence d’un photographe qui mitraille la scène pourrait laisser à penser qu’il s’agissait-là d’une belle opération de communication.
À noter aussi qu’une journaliste de Marianne se trouvait aux "3 frères" pendant l’opération. Y aura-t-il une brève dans l’hebdomadaire ? À suivre…

mardi 11 mars 2008

La Goutte chez les pandores... ou les risques du blogger (suite) (Paris)

Le témoignage qui suit a été rédigé par Bruno, avec qui j'ai partagé quelques instants de bonheur au commissariat de la Goutte d'Or. Le mien suivra. Où l'on verra que deux expériences à priori similaires peuvent se révéler radicalement différentes...

Mardi 3 mars 2008, un peu avant 22 heures, je sors du restaurant l’Olympic Café alerté par d’autres clients du lieu de l’arrivée de nombreux véhicules de police qui stationnent rue Léon, en face du restaurant. Je pense d’abord à un accident. M’approchant de l’attroupement, je constate qu’il s’agit d’une opération de Police.

De nombreux jeunes sont menottés, les bras dans le dos, debout face aux mûrs de la rue Léon (au niveau des cafés-restaurants Le Panama et Les Trois frères ) et du début de la rue Panama, attenante. Je m’écarte alors un peu de la foule et j’observe la scène, à distance. J’allume une cigarette. Je vois ce que je pense être un journaliste [1] prendre de nombreuses photos, à proximité des policiers. Je sors alors de ma poche mon appareil photo numérique et je décide de prendre quelques clichés de la scène…

• Une arrestation musclée

Un individu s’approche alors de moi. Il marche vite, semble irrité. Lorsqu’il arrive à mon niveau, il essaie de se saisir de mon appareil photo en me disant agressivement « donne-moi ça ». Je recule d’un mètre en lui disant : « vous pourriez me parler autrement ». Je me rends alors compte qu’il s’agit d’un agent des forces de l’ordre. Il a un talkie-walkie à la main.
J’ai à peine le temps de finir ma phrase que je me trouve plaqué sur la grille du magasin, à plus d’un mètre cinquante derrière moi (au niveau du 2 de la rue Panama). Une vraie charge de joueur de rugby. La personne qui m’empoigne brutalement est donc un policier, bien qu’il ne l’ait jusque-là pas signalé et qu’il ne porte aucun signe qui aurait pu le laisser penser, comme peut en témoigner la dernière photo que j’ai prise. Il semble très excité, énervé, a les joues très rouges. Sans doute est-ce dû au froid… Il essaie de nouveau de m’arracher l’appareil photo, tout en continuant à me plaquer brutalement contre la grille métallique du magasin et à me crier dessus de façon très grossière. Son coude appuie très douloureusement sur mes côtes, côté droit.
Je ne fais rien pour me dégager. J’essaie de le calmer. Je lui parle, lui disant que « je ne fais rien de mal », qu’il ne doit pas « s’énerver ainsi après moi », « passer ainsi ses nerfs sur moi ». Un policier en tenue s’approche alors de moi, sur ma droite, suivi d’autres de ses collègues. J’essaie de lui donner mon appareil photo, tendant mon bras sur ma droite, pour qu’il s’en saisisse. « Je vous le donne, Monsieur, prenez-le », lui dis-je alors. « Je vous le donne à vous, votre collègue va le casser, j’en suis sûr, il est trop énervé ». J’essaie comme je peux de lui tendre l’appareil, alors que je suis toujours brutalement plaqué dos au mur. La pression sur ma poitrine va s’amplifiant. C’est extrêmement douloureux. « Tenez, prenez-le » répétè-je. L’autre policier, tout en continuant de m’écraser contre la grille métallique, m’empêche de donner l’appareil à son collègue, retenant mon bras. Il tente une nouvelle fois de s’en saisir. D’autres policiers commencent alors à m’agripper et je me retrouve soudain brutalement projeté au sol, entre le trottoir et la rue, dans le caniveau. Des policiers ont leurs genoux sur mon dos. Des menottes me sont passées. Le policier auquel je tendais mon appareil photo arrive finalement à s’en saisir. Ils me redressent et me dirigent vers la fourgonnette dans laquelle je suis poussé sans ménagement.
La scène s’est passée très vite, j’ai à peine eu le temps de réagir et de comprendre ce qui m’arrivait. À aucun moment il ne m’a été demandé de m’identifier. J’ai été la victime passive de la brutalité d’un policier qui semblait être dans un état second, extrêmement énervé, plus du tout maître de lui alors que rien dans mon comportement ne pouvait justifier cette arrestation musclée, rien ne pouvait l’inciter à me rudoyer de la sorte ni à s’acharner aussi sauvagement contre moi.
De nombreux témoins pourront confirmer les faits que je viens de vous décrire.
Je tiens ici à vous faire part de la suite des événements.

• La « fourgonnette »

Une fois dans la fourgonnette, je me retrouve seul avec une jeune femme, en tenue de police. Elle me fouille, me vide les poches, palpe mon pantalon, de la taille jusqu’aux chaussures, passe ses mains sous ma veste, en fouille les poches et me demande si j’ai de la drogue sur moi. Je réponds par la négative. Elle me demande si je me drogue. Je réponds également par la négative. J’essaie de m’expliquer : je lui dis que je sors tout juste du restaurant d’en face, qu’on vient de me battre sans raisons, parce que j’ai pris une photo. Je lui dis que je pensais avoir le droit de prendre des images dans un espace public et que si ce n’est pas le cas, il y a des façons moins barbares de le faire savoir. Je proteste, indigné par ce qui vient de se passer : « Vous n’avez pas le droit de brutaliser ainsi, sans raison, vos concitoyens ». Lorsque je dis à cette femme policier que je viens de me faire tabasser gratuitement par l’un de ses collègues et que c’est inacceptable, je me vois rétorqué un : « allons, allons, on voit bien que vous ne vous êtes jamais fait tabasser ». En effet, jusqu’à ce jour… Et loin de moi l’idée, un quart d’heure auparavant, de me voir être tabassé par des représentants de l’Etat…
J’entends alors à l’extérieur un policier crier : « on embarque tous ceux qui prennent des photos ».
Quelques secondes après ma fouille, une autre personne est poussée dans le fourgon. J’apprendrais par la suite qu’il se prénomme Pierre, et que lui aussi prenait des photos. La jeune policière demande alors à son collègue, le jeune homme qui vient tout juste d’amener cette seconde victime, de procéder sur ce nouvel arrivant à « la fouille ». Elle descend alors du véhicule pour y remonter quelques secondes plus tard. Elle me demande mes papiers. Je lui tends tant bien que mal mon portefeuille, ayant les deux mains menottées dans le dos. Les menottes sont extrêmement serrées, elles me laisseront d’ailleurs des cicatrices que j’ai prises en photo.
D’autres personnes (huit au total, si mes souvenirs sont bons, mais j’avoue ne pas avoir compté) sont conduites au véhicule. À l’extérieur, les personnes avec lesquelles j’avais prévu de dîner s’inquiètent de mon sort. L’une d’elle essaie, sans succès, de me tendre mon bonnet, perdu alors que je me faisais rudoyer. Je réalise alors seulement que j’ai de nombreuses blessures, mon pantalon est déchiré, du sang le tâche au niveau des genoux. J’ai très mal aux côtes, côté droit.
Je réitère à l’endroit de la policière ma demande d’explications sur la brutalité et la cause de mon arrestation. Elle ne m’entend pas. La seconde personne a avoir été conduite dans la fourgon, Pierre donc, me conseille sagement de ne pas insister, de rester calme… Pas facile, dans cette situation et après ce qui vient de m’arriver, mais j’écoute son conseil.
Le camion démarre. Quand un ami essaie de m’apostropher, me demandant si je veux faire prévenir quelqu’un, les policiers assis à côté du conducteur le traitent de « sale gauchiste ». Cette insulte sera plusieurs fois prononcée à l’intention des spectateurs indignés par la scène à laquelle ils ont assisté ainsi que tout le long du trajet jusqu’au commissariat du 18 eme arrondissement, à quelques centaines de mètres de là.

• L’arrivée au commissariat

Nous sommes tous assez rudement descendus du fourgon et conduits dans une salle. On nous demande de nous asseoir sur un banc. Deux d’entre nous, dont je suis, restent debout.
Un jeune homme, assis sur le banc et menotté dans le dos, se voit donner deux coups par ce qui semble être une grosse lampe torche sur la poitrine. Un policier aurait découvert dans le fourgon un morceau de résine de cannabis, qu’il nous exhibe fièrement. « Qui a laissé ça dans le fourgon ? », demande ce policier en uniforme. Il redonne un coup de lampe sur la poitrine du jeune homme [2]. « C’est toi, hein ? ». « De toute façon, si personne ne se dénonce, ce sera toi ! ». Le jeune essaie d’expliquer qu’il n’a rien à voir avec ça, sans succès, le policier répétant : « de toute façon, si personne ne se dénonce, ce sera toi ». Les policiers nous séparent alors en deux groupes : je reste avec Pierre. Je n’ai plus revu les autres personnes arrêtées.
Je discute un peu avec Pierre, très gentil et très calme, puis on nous interdit de parler. Quelques minutes passent puis je suis conduit par le même policier qui m’a brutalisé quelques dizaines de minutes plus tôt au troisième étage. Il me dit qu’il va enregistrer ma déposition. Dans l’escalier, je lui dis qu’il serait judicieux que ce ne soit pas lui qui m’interroge, dans la mesure où il vient juste de me malmener… Je me vois répondre un « c’est comme ça » définitif.

• Un début d’interrogatoire

Je m’assieds à l’invitation du policier dans un petit bureau : une table, un ordinateur sur lequel, en guise de fond d’écran, défilent des images de femmes en lingerie fine, un mini réfrigérateur décoré d’une publicité pour une marque de bière (Desperados), une armoire et un porte manteau sur lequel se trouve plusieurs vestes. On peut aussi voir une page du Parisien affichée sur le mûr, représentant en photo « l’équipe Fillon » (Juppé est barré) ainsi qu’un poster avec des photos de membres de l’ETA, signalés comme « dangereux et potentiellement armés ».
« Nom, prénom, profession. »
« Bruno G., éditeur et journaliste. »
Le policier me regarde, perplexe. Il ne s’attendait peut-être pas à cette réponse lorsqu’il a fait asseoir le grand métis à la tête parée de dread-locks que je suis dans son bureau. Il réfléchit quelques secondes, puis me demande de me relever et m’invite à redescendre. Étant donné que je boite, séquelles de la brutalité de mon arrestation, je demande cette fois à prendre l’ascenseur, ce qui m’est accordé. Je redescends avec lui et me rassieds sur le banc, dans la salle où j’ai été conduit en arrivant. Quelques policiers s’étonnent de me voir boiter. Mon pantalon est taché de sang, au niveau des genoux.

• L’interrogatoire : deuxième acte...


Une bonne demi-heure se passe avant que je ne sois invité à remonter pour ma déposition. Je réitère ma demande d’être interrogé par un autre policier, ce qui m’est une nouvelle fois refusé. L’interrogatoire a donc cette fois bien lieu.
Le policier me demande tout d’abord (et pour la troisième fois) mes papiers d’identité (après m’avoir été demandé dans le fourgon, ils m’avaient de nouveau été demandés à mon arrivée au commissariat). S’ensuit « l’interrogatoire ». Nationalité, profession, niveau d’étude, « avez-vous un permis de port d’arme ? », « un permis de chasse ou de pêche ? », « êtes-vous connu des services de police »… Aux trois dernières questions ma réponse est négative.
Vous vous rendez compte que vous avez été arrêté parce que vous avez refusé de vous identifier ?, commence-t-il par dire.
À aucun moment vous ne m’avez demandé de m’identifier dans la rue, et j’ai fourni une preuve de mon identité dans le fourgon dès qu’elle m’a été demandée, répondis-je, sans hésitation.
Commence alors un vrai bras de fer entre moi et le policier pour qu’il note mes déclarations. Chaque fois que je veux lui faire écrire quelque chose, il répond « ça ne s’est pas passé comme ça ». Je dois insister pour chaque mot, chaque virgule. Je ne cesse de répéter « mais c’est ma déclaration ou la vôtre ? » Parfois il finit par écrire ce que je lui dis, d’autre fois, fatigué, déboussolé, douloureusement blessé aux côtes et aux genoux, je finis par céder et il écrit ce qu’il veut…
Il insiste tout particulièrement sur plusieurs points :
Il veut que je lui dise que, dans la rue, lorsqu’il est venu vers moi, je me suis tout de suite rendu compte qu’il était policier et que malgré tout je n’ai pas répondu à ses injonctions. Je lui affirme le contraire, me saisi de mon appareil photo, posé sur la table devant moi, et lui fait remarquer, en lui montrant la dernière photo que j’ai prise (où on le voit venir vers moi), qu’il n’avait sur lui aucun signe pouvant laisser penser qu’il s’agissait d’un policier, et qu’il ne s’est pas présenté comme tel en essayant de se saisir de mon appareil. Il me répond qu’il avait son brassard, ce que la photo dément.
Il me dit que plusieurs policiers sont venus vers moi lorsqu’il a essayé de se saisir de mon appareil photo. Je lui réponds par la négative et lui remontre la même photo, qui le prouve. Il était définitivement bien seul lorsqu’il s’est brutalement jeté sur moi.
Il veut que j’accepte de déclarer que j’ai refusé de remettre mon appareil photo. Je démens alors absolument, lui disant que j’ai tout fait pour le remettre à son collègue et que c’est lui qui m’en a empêché, avant de me projeter brutalement dans le caniveau de la rue Panama. Je lui dis à ce propos qu’il devrait avoir honte de brutaliser de la sorte une personne innocente de tout délit, qu’il devrait avoir honte de son comportement, que si la Police se voit, en démocratie, légitimement accorder le monopole de la violence physique, ce n’est pas pour brutaliser sans motifs les citoyens. Il ne répond pas.
Le recueil de mes déclarations va au final prendre plus d’une heure. Je n’ai absolument pas pu faire enregistrer tout ce que j’avais à dire. Ma version des faits a à chaque fois, systématiquement, été contestée. J’ai parfois réussi à lui faire écrire ce que je pensais du déroulement de mon arrestation arbitraire. Malheureusement, trop souvent, la pression et la fatigue aidant, ainsi que le fait que je n’avais pas mangé de la journée (j’avais eu une journée particulièrement chargée et je n’ai pu que passer commande au restaurant avant d’être brutalement arrêté), j’ai fini par céder et il a pu écrire sa propre interprétation du déroulement de cette arrestation « musclée ».
Revenant sur mon arrestation et me voyant hésitant, parfois imprécis, il finit par mettre en cause ma lucidité et mon degré d’alcoolémie. Je lui réponds que tout s’est passé très vite, qu’en moins de temps qu’il n’en faut pour réaliser quoi que ce soit, je me suis retrouvé brutalement balancé sur la grille métallique d’un magasin, puis sauvagement plaqué au sol et promptement embarqué. Il insiste :
Vous étiez dans un bar[3], vous n’étiez pas très lucide… On va vous faire souffler [menaçant].
Mais volontiers. Vous pouvez même me faire une prise de sang, si vous voulez. Mais puis-je exiger que vous en subissiez une également ?
Ici, c’est la Police qui exige, c’est pas vous. C’est clair !

Mon but n’est pas ici de diffamer ce policier aux pratiques d’un autre âge rappelant certains faits peu glorieux narrés notamment par Maurice Rajfus… Mais s’il s’est permis de faire peser sur moi le soupçon d’un enivrement ayant altéré mon jugement, accordez-moi que j’en fasse de même, le concernant.
Après plus d’une heure de « déposition », j’ai fini, laminé, exténué, par exiger qu’il note que j’avais été fouillé par une femme, ce que je crois être interdit par la loi. Il s’y est vivement opposé. J’ai dû insister. Il a finalement consenti à noter sur son ordinateur que j’avais été « palpé », je crois, bien que je ne me souvienne pas exactement du terme qu’il a choisi, par une femme.
Lorsqu’il m’a demandé si je voulais aller consulter un médecin pour qu’il puisse constater des nombreuses blessures qu’il m’avait infligées, j’ai décliné son offre. Ça faisait près de trois heures que j’étais, contre ma volonté et sans aucune raison, détenu dans ce commissariat et ma seule envie était bien évidemment d’en sortir. Je ne voulais aucunement terminer cette soirée par une interminable attente dans les services médicaux de l’Hôtel Dieu ou d’un quelconque autre hôpital. Tant pis pour toutes ces blessures, pour mes nombreuses ecchymoses. Et de toute façon, honnêtement, que pouvais-je attendre de cette consultation médicale ?
J’ai malgré ce que je considère comme des vices de forme flagrants, fini par signer la déposition. Il semblait satisfait. Je voulais rentrer chez moi…

Je voudrais, pour conclure ce court compte rendu, revenir sur des choses qui me semblent importantes et qui montrent à la fois l’inquiétante dérive des pratiques policières françaises d’aujourd’hui et la nécessité des mobilisations citoyennes indispensables pour contrecarrer l’arbitraire de l’Etat policier dans lequel on prétend nous enfermer, à l’heure où le Conseil Constitutionnel avalise les réformes Dati-Sarkozy – « peine de sûreté », démagogie populiste sur le « droit des victimes », mythe de la « tolérance zéro » (sauf pour le droit des affaires !) – et alors que l’on érige en modèle de « civilisation » une conception des plus réactionnaires et xénophobes de l’Etat (comme le montre notamment le « Ministère de la Honte » que dirige Hortefeux).
Pour revenir une dernière fois à mon cas, certes anecdotique et malheureusement trop banal : Ma compagne, enceinte de près de 5 mois, a été prévenue et s’est présentée au commissariat du 18eme vers 22h15, fort inquiète et ne comprenant pas les raisons de mon arrestation. Aucune explication ne lui a été donnée. Elle a demandé à attendre, assise et à l’intérieur du commissariat, ma sortie de cet arbitraire policier kafkaïen. On l’a méchamment éconduite, l’insultant même, lui demandant d’attendre, dehors, en pleine nuit et dans le froid, en toute connaissance de son état et malgré ses protestations légitimes.

Les rafles se multiplient dans notre pays. Arrêtons enfin d’avoir peur d’employer ce mot qui définit justement les opérations policières en œuvre aujourd’hui. Des commissions rogatoires sont fournies aux policiers par des juges d’instruction complaisants sous des motifs fallacieux pour permettre une véritable chasse aux « sans papiers » (l’exemple le plus mémorable reste la rafle du foyer AFTAM du XIIIe, le mois dernier).
Par ailleurs, et comme j’ai pu le constater à mes dépens, la brigade des stupéfiants est intervenu mardi soir, raflant brutalement de nombreux jeunes du quartier de la Goutte d’or pour finalement les relâcher au bout de quelques dizaines de minutes, faute d’éléments probants : rien ne justifie un tel déploiement policier et cette série d’arrestations et de vexations inutiles, privant des citoyens pendant un temps, aussi court soit-il, de leur liberté, pour répondre aux attentes d’une poignée d’électeurs tentés par les discours les plus nauséeux de la droite la plus abjecte.

Il n’est jamais inutile, et je vais le faire maintenant, de rappeler les violences policières dont sont victimes tous les jours les personnes enfermées dans des camps, aux périphéries de nos villes, alors qu’elles n’ont commis aucun délit ni crime, uniquement parce que l’Etat qui se prétend nous représenter, rechigne à leur fournir des titres de séjour et des papiers qui leur permettraient de vivre et de travailler dignement à nos côtés et bien souvent aux côtés de leurs conjoint(e)s, de leurs femmes, maris ou enfants français. Ceci d’autant plus que l’on sait, pour des raisons notamment démographiques, de nous sommes et seront de plus en plus amenés à solliciter la force de travail, la créativité et les capacités de nos sœurs et frères nés sous d’autres latitudes.

Enfin, je voudrais ici remercier tous les citoyens vigilants (ils étaient plus d’une cinquantaine) qui se sont mobilisés devant le commissariat du 18eme dans lequel Pierre, de nombreux jeunes du quartier et moi avons été injustement enfermés et qui nous ont fait entendre leur soutien alors que s’abattait sur nous l’injustice et l’arbitraire.
Aux cris de « libérez nos camarades ! », que nous entendions clairement remonter de la rue jusqu’aux fenêtres closes de cette forteresse absurde plantée en plein quartier populaire, ils nous ont fait savoir que, malgré tout, l’absurdité de la répression policière actuelle n’était pas une fatalité pour tous.
Malgré les nombreuses blessures qui m’ont été infligées par « les forces de l’ordre », malgré la pression constante à laquelle j’ai été soumis, plus de trois heures durant, à aucun moment je ne me suis senti seul face à l’arbitraire. Je tiens donc plus particulièrement à remercier les militants du 9eme Collectif, du Quotidien des Sans-Papiers, les militants des Verts du 18eme, également très réactifs, de LO, de la LCR, ainsi que tous les habitants du quartier et les autres personnes qui malgré le froid et l’heure tardive ont bruyamment fait part, devant le commissariat et plusieurs heures durant, de leur indignation devant ces pratiques policières et de leur soutien pour ceux qui en étaient, cette fois-ci, les victimes.

L’intervention policière pour ce que j’ai pu en apprendre :
Elle aurait été menée par la Brigade des stupéfiants, avec en renfort deux motards et les « ilotiers » du 18eme.
De nombreuses personnes, des jeunes du quartier ayant l’habitude de stationner en début de soirée au croisement de la rue Léon et de la rue de Panama ou fréquentant les bars et restaurant environnant, ont été arrêtées, sans que je n’ai pu en connaître le nombre exact. Dans le fourgon qui m’a emmené au commissariat du 18eme, huit personnes étaient présentes. Une personne aurait été retenue plus longtemps que les quatre heures de garde-à-vue autorisées pour un « simple contrôle d’identité ».
Les policiers ont gazé de nombreuses personnes qui se sont rassemblées pacifiquement pour observer le déroulement des arrestations : un enfant de 9 ans, présent sur les lieux avec son père, a échappé de justesse aux gaz lacrymogènes.
Branle-bas de combat chez poulagat ! Quelque temps après mon arrestation et mon arrivée dans le commissariat du 18eme, les policiers paniquent. Alors qu’ils parlent entre eux j’entends dire qu’ils auraient arrêté un élu… En fait, cette panique est consécutive à l’appel d’Olivier Reynal, des Verts du 18eme, à la préfecture. Au final aucun élu n’a été arrêté, malgré ce qu’ils ont cru.
L’AFP et une journaliste du Parisien ont été rapidement prévenus par des personnes du quartier. J’ai par la suite été contacté par la journaliste du Parisien qui m’a posé des questions, me disant qu’elle allait peut-être faire un article dans l’édition du jeudi 6 mars (l’article est bien paru dans l’édition du 6 mars du Parisien, illsutré par l’une de mes photos, sous le titre "L’interpellation des dealers tourne mal [on peut en voir une copie miniature en illustration de ce texte]".
Bruno


Ce texte a été mis en ligne sur le site Propaglande (http://iso.metric2.free.fr/www/spip.php/?article374). Son auteur a autorisé sa publication sur le site Regards Croisés.

jeudi 6 mars 2008

La Goutte chez les pandores... ou les risques du blogger (Paris)


Plus d'infos dans un prochain post tout en nuances. Expérience malgré tout fortement intéressante...




dimanche 2 mars 2008

Faut pas être surpris (Beyrouth)

A la demande générale de La Goutte, petits éclaircissements sur la politique libanaise actuelle et sur ses antécédents historiques dans la limite de mes connaissances récentes.

1- Les forces en présence
L’une des spécificité du Liban, outre ses paysages superbes et son patrimoine historique, c’est les différentes confessions représentées. On a par ordre d’importance dans la population les Musulmans, les Chrétiens et les Druzes.
Parmi les Musulmans, on a les sunnites et les chiites. Contrairement à ce que véhiculent certains médias, les sunnites ne sont pas les « gentils » bicots et les chiites ne sont pas les « méchants » terroristes. Al Quaïda est formée de sunnites. Ceux qui butent à tout va en Irak sont sunnites. Mais Zinédine Zidane est sunnite donc ça compense pour les Français. Ceux qui ont facilité la « libération » de l’Irak par les Américains sont chiites. Pour la différence entre les deux, demandez à La Goutte de mettre en ligne l’excellent cours que nous eûmes il y a 17 ans quand nous étions de jeunes et innocents lycéens.
Parmi les Chrétiens, je vais en oublier certainement, mais on a en gros les Maronites, les Grecs orthodoxes, les Catholiques et les Arméniens.
Les Druzes, quant à eux se réclament du vrai Islam et seraient une branche dissidente des chiites. Personne pas même eux ne comprend comment fonctionne leur religion.

La plupart des partis politiques sont affiliés à une religion, mais les trois grandes confessions représentées sont les sunnites, les chiites et les maronites.

Moustakbal: sunnite, parti de Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005. Son fils, Saad Hariri est un crétin qui ne comprend rien à rien. Il est un peu ce que Jean-Louis Debré est à son papa Michel. Les militants de ce parti sont armés ;
Forces Libanaises : chrétien, parti de Jaajaa qui est maronite, responsable avec Ariel Sharon du massacre de Sabra et Shatila et qui vient de passer 11 ans en prison à cause de massacres contre des libanais et non contre les palestiniens. Les militants de ce parti sont armés ;
Kataêb : chrétien, partie de Pierre et Amin Gémayel, ancienS présidentS. Les militants de ce parti sont armés ;
Tayyar Watani El Hor: chrétien, parti de Michel Aoun qui est maronite, chef des armées pendant la guerre civile. Aoun a combattu les Forces Libanaises et les Syriens pendant la guerre civile. Les militants de ce parti NE sont PAS armés ;
Hezbollah : chiite, parti d’Hassan Nasrallah. Mouvement crée en 1982 à la suite de l’invasion israélienne. Est devenu un parti politique en 2004-2005. Les militants de ce parti sont armés et ce sont eux qui étaient visés lors des bombardements israéliens de juillet 2006 dans le sud du Liban, dans la banlieue de Beyrouth et dans la plaine de la Bekaa ;
Haraket Amal: chiite. Parti de Nabih Berri actuel président du Parlement. Les militants de ce parti sont armés ;
Marada : chrétien. Les militants de ce parti sont armés ;
Un parti druze : parti de Walid Gounblat.

2- Les alliances
La majorité ou Coalition du 14 février, qui est composée de Moustakbal, des Forces Libanaises, des druzes, de députés de Kataêb et des députés n’étant affilié à aucun parti. Soutenu par l’Occident contre, essentiellement Michel Aoun et le Hezbollah.

L’opposition, qui est composée de Tayyar etc, du Hezbollah, de Marada, de Haraket Amal et de députés de Kataêb. Soutenu par personne à part le peuple libanais (d’après eux…).

3- La Constitution

Les élections législatives ont lieu tous les 4 ans. Les députés sont élus par circonscription en fonction de la confession majoritaire de leur région. En gros si un maronite vit dans une région majoritairement sunnite, il élira forcément un député sunnite. Pour la fonction publique, c’est pareil. Comme en France, il y a un certain nombre de postes ouverts, mais pas toujours pour chaque confession. Cette année, on veut 153 profs de maths. On aura 64 sunnites, 47 chiites, 23 maronites, 12 catholiques, 4 druzes, 2 grecs orthodoxes et 1 arménien.
Le président du Parlement doit être chiite.
De la majorité parlementaire sort un gouvernement dont le Premier Ministre doit être sunnite.
Le Parlement élit le Président de la République pour 6 ans. Le Président doit être maronite. Il doit être élu à la majorité absolue à l’unique condition que les trois quarts des parlementaires soient présents. Les coalisés de l’opposition boycottent le Parlement pour ne pas avoir à élire un Président qui ne serait pas Michel Aoun.

Cette constitution est un héritage des Français (années 40) et des Syriens (années 90).

4- Les traditions libanaises en matières de réjouissances
Aujourd’hui, vendredi 29 février, j’étais chez une tante de mon hôte et tout d’un coup, on entend des détonations. Un bombardement ? Non, Nabih Berri allait parler à la télé et ses partisans lançaient un feu d’artifice et tiraient au pistolet avec des balles traçantes dans la nuit beyrouthine. Une tradition dès qu’un responsable politique s’adresse à la Nation. Il y a 15 jours, Saad Hariri a fait un discours et il y a deux morts… « Mais les sunnites libanais sont des incapables » dixit mes hôtes chiites, en faveur de l’opposition.

C’est plus clair ?

A bientôt.