jeudi 4 octobre 2007

Quand le Rhin traverse l'océan indien (La Réunion)


Après tout, un Dom, c'est un petit bout de France à l'autre bout du monde. La formule fait rêver les notables métropolitains, qui dans un élan post-colonial savourent cette présence tricolore dans tous les océans de la planète. Bon, ça c'est pour la formule sur le papier des discours officiels. Le hic, c'est que la réalité est beaucoup plus terre-à-terre. Lors d'un JT du soir à La Réunion, la chaîne locale RFO reprend, comme tous les soirs, plusieurs sujets nationaux du JT de France 2, qu'elle mêle aux sujets locaux. Jusqu'ici tout va bien. Sauf que lors du lancement d'un sujet sur les transports en Allemagne, la présentatrice - une créole qu'on ne saurait accuser de méprise - oublie visiblement d'adapter la phrase de lancement de ses confrères parisiens : "(...) Voyons tout de suite le reportage de Bernard Dupont chez nos voisins d'outre-rhin."
La formule fait mouche, mais elle passera sans doute inaperçue. Les Réunionnais sont vaccinés. Dans ces moments-là pourtant, devant le petit écran, la ménagère réunionnaise de base a beau se sentir française à 300%, il faut qu'elle soit imaginative pour envisager le Rhin là à côté de l'île, au beau milieu de l'océan indien, à 10 000 kilomètres de toute présence germanophone. Les voisins ici, désolé pour les chantres de la mobilité, c'est plutôt l'île Maurice et Madagascar. Mayotte, les Seychelles aussi.
Mais d'eux, on en parle très rarement à la télé et la coopération régionale balbutie.
Aussi dans les journaux réunionnais, on trouve régulièrement des pages toutes faites achetées à des agences métropolitaines et publiées telles quelles. C'est le cas par exemple d'une page jardinage ou d'une page dédiée aux enfants. La plupart du temps, ça passe. Après tout, les enfants d'ici et d'ailleurs sont les mêmes. Sauf lorsqu'il est écrit, photos de boules de neige et de luge à l'appui, "L'hiver commence, c'est l'heure d'aller faire du ski à la montagne." Traduisez : enfile bien ton bonnet, petit Réunionnais, car... euh, l'été et ses chaleurs moîtes débarquent. L'inverse est sympa également : "L'été arrive, c'est le moment d'aller à la plage et de protéger sa peau". Pour le petit Réunionnais, c'est l'hiver qui commence et... ça ne l'empêche pas d'aller à la plage sans protéger sa peau. Quant à la page jardinage, il s'agit de la saison des fraises qu'on ne trouve pas ici, ou de l'arrivée tant attendue des letchis malgaches en métropole alors que La Réunion bataille pour lutter contre leur concurrence déloyale...
Une p'tite autre pour la route. Un Parc national a été créé il y a quelques mois à La Réunion pour protéger les joyaux naturels que sont ses trois cirques et son volcan. Comme il s'agira ensuite de faire passer pas mal d'interdictions et de susciter des comportements responsables chez les citoyens, la préfecture et la Diren décident de faire de l'appropriation du Parc par la population locale un préalable essentiel à la réussite de la structure. De grandes affiches sont placardées aux quatre coins de l'île. Et comme faut faire local, les zoreils (nom donné aux métros à La Réunion) de la Diren se la jouent langue créole dans le slogan : "Le Parc National est né. Not île, not parc, not fierté". Sauf qu'en créole, on dit... "Nout île, nout parc, nout fierté".
Vous me direz, c'est pas si grave tout ça. En tout cas, ça l'est moins que la leçon "mes ancêtres les gaulois" apprise en son temps à tous les chérubins d'Afrique noire et d'Algérie, au mépris de leur propre histoire.
Sauf que ces p'tites bourdes traduisent bien l'état du compromis, encore proche du grand écart, entre une île certes française et européenne, perfusée par leurs aides et influencée par leur modèle de société, et une évidence géographique, un potentiel de développement forcément régional, avec ses vrais voisins, sur la base justement de ses spécificités et de sa réalité culturelle et sociale.
Et si je vous disais qu'un billet d'avion pour la métropole depuis La Réunion coûte une fortune et revient moins cher en passant par Maurice ? Et qu'un billet Réunion-Maurice (200 km) coûte quatre fois plus cher qu'un billet Paris-Berlin ?
Au risque de froisser les notables et peut-être même certains Réunionnais qui ne s'étonnent même plus d'entendre davantage parler de leurs voisins d'outre-rhin que de ceux de l'hémisphère sud, un Dom, c'est aussi et sans doute d'abord un petit bout du monde à l'autre bout de la France.

7 commentaires:

Chronik a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Chronik a dit…

Oui, alors, c'est idiot, mais j'ai ripé... J'écrivais, donc, amusantes similitudes... Notamment sur les tarifs aériens. Pour exemple, à l'heure actuelle, Air France facture l'heure de vol à 115 euros environ. Huit heures de vol, 900 balles, en somme. Une exception, sorte de répercution de l'augmentation du prix du carburant sur celui des billets? Pas vraiment, je le crains...
Quant aux autres points communs, ils risquent fort de te sauter aux yeux lors de mes prochains écrits...

PS : BN est en congés, alors tu glandes devant la télé si je comprends bien !

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Syl a dit…

"Colonialiste", tout de suite les grand mots... Pour éventuellement pouvoir engager un petit débat, il faudrait donner un argument qui puisse faire avancer la discussion. Je ne cherche ni à défendre, ni à attaquer quiconque. Je constate juste avec un peu de provocation qu'aujourd'hui la continuité territoriale est loin d'être une réalité entre La Réunion et la métropole, idem pour les échanges entre La Réunion et ses voisins de l'océan indien.

Chronik a dit…

Je souscris entièrement aux propos de Syl. Par ailleurs, si les réactions de tout ordre sont appréciées, signer ses propos, même d'un pseudonyme, est recommandé. Merci pour l'effort. Il sera lui aussi apprécié.

Sebas a dit…

C'est qui le connard qui signe pas ?

Chronik a dit…

Ben, précisément...